« Je
ne sais pas si on peut encore appeler ça une interview... »
Naturellement bavardes, il ne nous
aura fallu que quelques minutes pour que l'on comprenne que
l'entrevue allait se métamorphoser en une succession de digressions. On commence en douceur avec une version acoustique de La fille de Peter Pan.
Billie est une effrontée au sourire
franc, une chanteuse naturelle. Sa voix rentre par une oreille, ne
ressort pas par l'autre ; cristalline sans être enfantine, elle est conteuse d'histoires intergénérationnelles.
Sur scène elle est charmeuse, bombe sensuelle. On regretterait presque de ne pas avoir connu les années
80 d'où elle semble revenir avec ses cheveux fous ramenés en banane
et ses synthés vintages.
En première partie de Babx jeudi
dernier elle a littéralement envoûté la salle du
Marché Gare, accompagnée par Théodora King au
violoncelle et Teddy Elbaz aux claviers et aux
machines : bel aperçu d'un album qui sortira en novembre
prochain !
La profondeur du cello complète à merveille
les boucles électroniques : « Je dis
souvent que je fais de la chanson électrique, je suis obligée
d'être « branchée » pendant les concerts. C'est
un tout un peu bizarre, une sauce que j'ai eu en tête : je
prends un violoncelle qui est un instrument classique,
j'ajoute des synthés electros... et
avec tout ça on va faire une espèce de chanson New Wave. C'est à la fois sombre et solaire, je suis moi même
plutôt solaire, pas renfermée du tout. Mes
textes ne sont pas spécialement tristes mais il y a
ces accords un peu sombres, le violoncelle et puis des
beats qui envoient !»
En mélangeant New Wave, chanson
française, électro, Billie rappelle tour à tour Camille, Emilie Simon, Kate Bush, Blondie, Olivia Ruiz, Dionysos ou encore Babet, et ce sans
jamais perdre sa singularité.
« J'ai commencé la musique
quand j'ai vu Camille sur scène, l'album Le fil, grosse révélation, j'ai vu qu'on pouvait faire de la nouveauté avec de la chanson française. Celle ci a
souvent une étiquette peu flatteuse. Camille a une écriture très
légère, très ludique, moi ça me parle. »
Outre toutes ces chanteuses ou groupes, Billie aime aussi Taxi Girl, Elliet Jacno, les Cure... « J'aime
beaucoup Bowie et Depeche Mode aussi. D'ailleurs ça fait
plaisir qu'ils ressortent des albums, le dernier clipde David Bowie est vraiment beau et Depeche Mode c'est
toujours aussi classe... Je n'attends plus que
les Cure sortent un album ! »
Mais la véritable source
d'inspiration de cette chanteuse lyonnaise, ce sont les contes, la
mythologie, les histoires magiques en tout genre : « Les
contes de Grimm, de Perrault, ça parle aux gens, ce
sont des images que toutes les générations ont vu,
La fille de Peter Pan, ça
fonctionne avec les enfants et aussi avec la génération de mes
parents.
Sangtimentale c'est l'histoire d'une vampire
amoureuse qui ne peut peut pas vivre sa passion au grand jour.
J'ai
été influencée par Tim Burton pendant très longtemps
tout comme Mathias Malzieu le chanteur de Dionysos que j'ai
rencontré il y a peu ! Quand j'étais
morte c'est
l'histoire
d'une
jeune fille qui trouve que sa vie quand elle était morte était
vachement plus simple que sa vie de vivante, ça
rappelle des univers comme celui de Beetlejuice. Pour
La fille de Peter Pan
j'avais relu le livre, il
est beaucoup plus
glauque
que le Walt Disney : les enfants dans les jardins de Kensington
sont très flippés parce que les fées sont des espèces
d'horreurs qui
tuent les enfants, pas comme la fée clochette. Peter Pan est
vraiment déprimé comme gamin, il ne veut vraiment pas grandir, c'est
pas une petite
blagounette. C'est
cet univers terrifiant que
j'aimais bien, ce
serait intéressant de voir Tim Burton faire un Peter
Pan.
Moi je l'ai
féminisé, c'est
une voleuse, je
l'ai mélangé avec
Arsène
lupin et CatWoman.
»
Billie créé son histoire ; au
fil du concert elle prend différentes formes ; sirène,
voleuse, vampire et beaucoup d'autres encore. Elle tisse la toile
d'un univers nocturne féerique, fantasmagorique (surtout sur des chansons comme Marilyn).
« La
nuit revient souvent dans mes chansons, dans les contes c'est le moment pendant lequel les choses secrètes
se passent. On m'a aussi dit que
j'étais romantique, donc je dois parler pas mal d'amour.
J'essaye que les chansons parlent d'elles même aux gens, j'essaye d'être un vecteur. Avant j'étais
très présente, très énergique maintenant je suis
plus calme. J'étais traqueuse, je me suis posée.
L'album que je fais est très aérien, j'essaye donc de garder mon
énergie et mon côté mutin tout en étant une conteuse d'histoire.
J'essaye d'en écrire une grande sur tout mon concert,
je pars d'un point et je ne finis pas la
scène dans le même état d'esprit. »
Chaque chanson est
un chapitre, le morceau d'un film. Au Marché Gare la magie opère.
Les lumières entoure le trio d'un halo bleuté. "J'ai l'âme bleue, d'un blues en mi", "J'ai l'âme bleue, bleue des galères, sirène de toutes les misères" dit elle dans la chanson presque éponyme L'âme bleue. Bluffante.
Cette couleur on la retrouve également lorsqu'on parle cinéma, quand Billie évoque les films qu'elle aime. La nuit du chasseur de Charles Laughton « De très belles images de nuit, de la fuite des enfants dans leur barque, avec les étoiles, les animaux, et le faux pasteur en ombre chinoise sur les collines derrières. » ; Mulholand Drive de David Lynch « Pour les décors et les couleurs » ou encore Drive de Nicolas Winding Refn, film bleu par excellence.
Les textes de la demoiselle vont droit au cerveau, on en prend plein
les yeux !
« J'aime que les gens comprennent
tout de suite ce que je raconte. La langue française peut être
dansante, elle peut ne pas être chiante. Les Rita Mitsouko par
exemple, les textes sont parfois profonds et pourtant tu peux danser toute
une soirée dessus. En français, tu vois l'image tout de suite, il y
a une certaine immédiateté, après peut être que si j'avais été
meilleure en anglais au collège et au lycée, je verrais
l'immédiateté dans l'image des autres en anglais (rires). »
La démarche est différente, l'anglais
se prête mieux à la répétition, au minimal...
« Après on est toujours étonné :
Gainsbourg a beaucoup répété de mots et ça marchait. La chanson
Aux enfants de la chance par exemple...Gainsbourg, il est pas mal
dans le genre! »
Heureusement que tout le monde n'est
pas Gainsbourg en même temps...
« (soupir) Alala j'aimerais quand même bien
être Gainsbourg, ça m'irait bien comme boulot... Après, c'est
mieux de trouver son propre chemin. Le jour où on te dit « Ah, ça, je l'ai entendu nulle part », tu te dis « ah c'est
bon, j'ai trouvé ma voie !»
L'album quant à lui est presque prêt.
Ne manque plus qu'un duo à enregistrer et quelques détails à fignoler (la pochette par exemple).
Pour ce qui est du label...« Je suis libre comme l'air, j'ai
fait mon disque, je l'aime, je n'ai pas très envie de le changer, si
le label le prend tant mieux sinon je fais sans, j'ai pleins de
cordes à mon arc. Mais si il y a des gens motivés pour travailler
dessus, pas de problème! »
Pour patienter jusqu'à novembre,
Billie nous offrira d'ici l'été le clip de Dehors « Une
chanson sur les sans papiers qui me tient très à cœur. Je l'ai
écrite il y a longtemps et elle est hélas toujours d'actualité.
J'ai contacté le studio qui a réalisé le clip de Prohom, Je voudrais que..., hyper glauque mais magnifique, en le
voyant tu te dis Wow c'est triste mais vraiment très beau ! »
Les questions
traditionnelles Our Degeneration
La dernière chanson que tu as
écoutée ?
Pull Marine d'Isabelle Adjani (écrite par Gainsbourg) qu'on a bossé en reprise cette après midi !
Le dernier album que tu as acheté
ou téléchargé (illégalement...ou pas) ?
Téléchargé légalement : Lescop
Le dernier film que tu as vu ?
Le dernier livre que tu as lu ?
Soufi, mon amour d'Elif Shafak. Un
livre magnifique, une jeune écrivain turque, un recueil de
philosophie sur la vie.
La dernière série que tu as vue ?
Walking Dead, Two sons of anarchy m'a
éclaté, j'attends la suite de Games of throne, j'ai été longtemps
une fan de six feet under... C'est ma préférée.
Ton meilleur souvenir de concert
quand tu étais dans le public ?
Dernièrement j'ai vu un concert à la
télé, sur arte, David Bowie, monstrueux, rien que l'intro c'était
d'une beauté... La grande classe même dans mon salon devant ma
télé !
Ton meilleur souvenir de concert
quand tu étais sur scène un de tes concerts ?
Je raconte souvent les Transmusicales
de Rennes, c'était complètement n'importe quoi, on avait la
pression. La veille mal de gorge, je sens que j'ai un début
d'angine. Je prends le train le lendemain matin et plus la journée
avance plus je perds ma voix, ça va pas du tout.. Le stress commence
à monter. Et puis Théo(dora), je sais pas ce qu'elle fout pendant
les balances, elle laisse tomber son violoncelle par terre. Elle
l'explose... « Ok il est 19h, on joue dans deux heures, j'ai
plus de voix, on a pas de violoncelle. On fait quoi ?! ».
On cherche un luthier dans tout rennes, on trouve un luthier qui nous
trouve un violoncelle. On tremble comme ça (geste)...Le club où on
joue est blindé, surblindé, on était tellement dans une
énergie...on avait tellement peur, on savait tellement pas ou on
allait, qu'on a fait une espèce de concert monstrueux, super rock
and roll, tout à l'envie, hyper motivées ! Je braillais tout
ce que je pouvais pour essayer de sortir des sons de voix, Théodora
essayait de se débrouiller avec un violoncelle qui n'était pas le
sien, au final on a fait un super bon concert. C'est la journée qui
démarre mal, tu te dis que tu vas jamais y arriver et au final tu
fais un truc super bien ! Comme quoi faut pas se décourager,
même avec une voix pétée et un violoncelle cassé on peut faire un
concert, tout est possible dans la vie !
Noomiz : http://www.noomiz.com/billieonly
Mathilde
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire