Un mois après la sortie de leur EP
Draw The Line, ils joueront demain et après demain sur la scène du
Berry au Printemps de Bourges. On était à leur Release Party à La
Marquise le 29 mars et une semaine avant, on les interviewait dans
leur studio.
Doucement mais sûrement, l'electro
rock envahit nos radios, nos oreilles. Les grands s'y mettent :
Muse, The Strokes ; Daft Punk y reste... Playme y plonge.
« Au niveau artistique, le
rock avec ses instruments à l'ancienne, ça fait 40-50ans qu'il y a
des mecs qui bossent dessus, donc presque tout a été trouvé.
L'avantage de l'electro c'est que c'est encore assez récent, il y a
énormément d'évolutions au niveau des technologies et des
instruments donc on peut vraiment arriver avec un son frais et
nouveau. Ce qu'on entend à la radio, c'est très surproduit alors
quand tu as un groupe de rock traditionnel après, ça fait bizarre,
on dirait qu'il manque une couche d'arrangements, ce qui est facile à
faire quand tu investis dans des machines, les gens s'y retrouvent
plus quand ils entendent ce qu'ils ont l'habitude d'écouter à la
radio. C'est un gros pari à l'heure actuelle de faire du rock pur
parce que ça marche pas vraiment en France, c'est difficile de
percer. Nous on aime l'electro, donc on y va naturellement, mais
après, même pour vendre soit tu fais de l'electro soit de la chanson
française avec une guitare folk... Enfin il faut se dépêcher il y
a Daft Punk qui ressort un album ! »
Playme s'est formé en 2011 « pour le
fun », « le concept c'était de faire un concert
de reprises pour une soirée étudiante, on a bien sympathisé, on a
commencé à réfléchir à un projet, on a fait stock de
10-12 compos qui ont alimenté pendant un
an un set d'une heure » sur des tremplins, aux 24h de
l'INSA, sur la scène du Crédit Mutuel au Printemps de Bourges ou
dans des petites salles. « Il y a
deux ans on était jeunes en tant que projet, en tant que groupe, on
savait pas où on allait et quelle direction artistique
donner au projet « on est des potes, on fait de la musique,
c'est marrant, tu plaques un accord c'est
super », maintenant c'est différent... »
Après six mois d'enfermement après
le boulot, de 20h à 2h du mat', 5 jours sur 7, Playme a sorti son
premier EP il y a un mois. On en retient une belle énergie. Une
basse et une batterie très rock. Le reste plus electro. La fusion
n'est pas encore totale, on remarque souvent dans les morceaux deux
parties distinctes : des débuts pop-rock et des fins qui
s'étirent en sons plus artificiels issus de machines aux boutons fluo clignotants (Lights Out, DTL). Influencés par les débuts de
Muse, Draw the Line fait plus penser aux derniers albums du trio
britannique.
A la Marquise le groupe enchaîne
son set. Précis, cohérents, on remarque une belle hégémonie sur
scène, sans exubérance, sans timidité non plus. Le risque de
l'electro statique en concert est dépassé. « On
fait de l'electro en temps réel, sur scène on est en direct. »
Les machines sont là, mais discrètes. C'est sur scène et non dans
les versions studio qu'on remarque la maîtrise de la voix.
« On est d'abord un groupe de
live, on aime montrer l'énergie et la puissance, retourner les
tripes des gens par l'harmonie ET par les riffs. L'objectif est de
faire bouger les gens. Ce qu'on aimerait faire c'est animer une
soirée pour les jeunes, parce que pour écouter du rock en ce moment
il n'y a personne aux petits concerts...à la marquise par exemple,
mais par contre tu vas à côté, à l'Ayers Boat, c'est plein. Bon
ils écoutent de la dubstep, mais au moins ils dansent.
Nous notre objectif c'est de faire
de la musique qui puisse plaire aux jeunes dans une boîte, faire un
son plus moderne, un truc sur lequel tu peux danser à deux heures du
mat'. On aimerait entendre notre musique en boite de nuit, Playme
c'est le jukebox, tu appuies sur play et tu entends pleins de styles
de musique différents, c'est ce qu'on essaye de faire.
Draw the line, ça ne veut pas dire
« trace la ligne », c'est « fais la part des
choses », ça correspond à la vision qu'on a du projet, on
vient d'un univers rock et on veut faire un truc plus electro, faire
la part des choses entre deux univers, pour n'en faire qu'un seul au
final. »
Et la scène, ce n'est pas fini.
Comme après toute sortie d'EP qui se respecte, la prochaine étape
avant l'enregistrement de l'album (fin 2013, sortie 2014), c'est le live. Playme
retourne au Printemps de Bourges les 26 et 27 avril. Sélectionnés
au tremplin du 10 avril pour jouer sur la scène Pression Live des 24h
de l'INSA (selon eux, lors de l'interview ce n'était « pas
gagné »...et bien si!), ils sont programmés pour la soirée du samedi 18
mai en compagnie de Deluxe, The Supermen Lovers, The Architect et
Yalta Club.
Brice (guitare, chant, piano,
machines) et Martin (basse, machines, back vocals) que l'on a
rencontré sont issus d'univers musicaux assez éloignés de leur
style : formation classique et jazz au conservatoire, solfège,
harmonie : « C'est pleins de connaissances
assez utile même...et surtout quand tu fais de l'electro, ça permet
de donner une couleur particulière ! »
Mais lorsqu'on aborde la fameuse
question des influences, on retrouve l'univers de Playme : Rage
Against The Machine, « pour le concept du rock dans ta
gueule », Phoenix pour le côté français, Housse de
Racket, Skip The Use, Shaka Ponk pour le live, Muse évidemment :
« Ça reste de la très bonne musique même si
leur grandiloquence est critiquable. C'est
plus trop du rock, c'est du stadium rock, les compos sont
trop conçues pour des scènes immenses. », Daft Punk
pour le côté hybride rock-electro « Quand
tu écoutes leurs mélodies, c'est du rock avec des instruments
electro, c'est conçu et composé comme du rock, les batteries sont
énormes mais c'est pas des gros beats! »
mais aussi Nasser : « Ils font plus
ou moins ce qu'on voudrait faire, eux c'est plus
brutal, c'est du rock electro boîte de nuit, à
minuit-une heure du mat', tout le monde danse ! ».
Lights out est
de loin la plus dansante de l'EP, la seconde place est attribuée à
la plus calme mais non moins groovy A Hard-nosed woman (la femme
intraitable).
« Lights out, c'est une chanson un
peu épileptique : le morceau grossit jusqu'au point culminant.
Moi ça me faisait penser à des couleurs qui virevoltent autour de
toi, ça m'a fait penser à un voyage que j'avais fait à Tokyo :
tu es au milieu de plein de monde, tu comprends rien, mais tu as
l'impression d'être tout seul. » (Martin)
-J'avais la même image, en
fait on s'est rencontré en cours de japonais... » (Brice)
-La différence c'est que je
parle bien et lui non (rires). »
Après une suite de digressions en
japonais (qui m'ont laissée, il faut l'avouer, assez perplexe et
très impressionnée), on continue à parler paroles... A la première
écoute, on se rend très vite compte que l'objectif principal n'est
pas de faire passer un message. Du moins pas à travers les paroles
mais grâce à la musique. On saisit quelques bouts de phrases,
quelques mots d'anglais...
« On cherche pas à raconter des
histoires, surtout pas des histoires politiques, on cherche quelque
chose de joli dans la forme, dans la musique...accompagné de
paroles. L'anglais est intentionnel, aujourd'hui en France, si tu
fais une chanson super avec des paroles en français, l'auditeur
lambda va écouter d'abord les paroles et la musique va passer à
côté. Si les paroles ne sont pas bien écrites, c'est radical...
Nous on ne veut pas que les parole passent avant la musique. »
Dialogue final (paroles, projets,
passion):
« C'est assez amusant d'écrire
les paroles, au moment d'écrire les lignes de chant, Brice se
retrouve à chanter du yaourt en anglais, « je veux une phrase
de 7syllabes qui finit par [ey] ». Euh... ok. (Martin)
-Les [i] en anglais c'est horrible... (Brice)
-L'anglais c'est plus libre comme
langue, comme sonorités, si tu prononces bien l'anglais c'est que tu
n'articules pas (rires) ! Radiohead par exemple, quand tu
écoutes Thom Yorke tu te dis « mais qu'est ce qu'il
bave ?! »...
-C'est l'exemple typique pour nous
au niveau influence pour les paroles : on comprend rien mais quand on
y regarde de plus près c'est bien écrit, très imagé, c'est
intéressant !
- La dominante c'est la musique, on
fait de la musique pour la musique ! La cerise sur le gâteau
c'est de faire des paroles qui sont cohérentes avec la musique, on
veut pas du "I love you machin chose". Je m'inspire aussi de ma vie
personnelle pour écrire, d'images, de couleurs.
Paint, une chanson
qui n'est pas dans l'EP mais qu'on joue sur scène c'est un peu notre
histoire. On est tous les deux issus d'une grande école d'ingénieur
en mode...chiant. Au bout d'un moment tu te dis « j'ai fait
quoi dans ma vie? ». T'étais bon à l'école, tu te retrouves
sur les rails, en prépa, en école, tout ça pour se retrouver à
35ans avec le rêve américain : la femme, les enfants, un chien
et un scénic, ça me faisait déprimer...
-Paint by numbers c'est un jeu pour
gamin, tu as un dessin divisé en parties et chaque partie a un
numéro qui correspond à une couleur, et quand tu colories ça te
fait le dessin final.
-En gros tu dois
colorier les bonnes cases avec les bonnes
couleurs. C'est un piège : « Hey petit
enfant, tu es créatif alors qu'en fait, tu n'as rien fait du tout »
donc ça faisait un parallèle avec ma vie personnelle. Après
les paroles sont imagées, c'est abstrait. Le
concept du 35ans, scénic et chien c'est la solution
facile, on se pose pas de questions, tu sais qu'à la
fin du mois le chèque tombe mais au final...ça donne
pas envie
-Du coup on a besoin de ça,
du groupe, on y est tout le temps, on est claqués mais on
vit un truc sympa, moi je ne pourrai pas vivre sans ce petit truc à
côté, qui te fait vivre. On a investi dedans donc on
va essayer d'emmener ça loin. Après à l'heure
actuelle c'est avant tout une passion c'est pas un moyen de gagner de
l'argent, c'est un moyen de vivre un truc cool, sur scène.
Ça fait 8mois qu'on essaye de
faire de l'electro...qu'on geek dessus comme des porcs, on compose
différemment depuis...
On fait de la compo en live
maintenant, avant on remaniais mes compos (Brice) ou alors on se
prenait la tête devant le pc.
-On cherche l'énergie !
-Ça nous permet de trouver une
symbiose directement ! »
Les
questions traditionnelles Our Degeneration
La dernière chanson que vous avez
écoutée ?
Martin : Retrosexual de Nasser
Brice : Nasser aussi, Come on...
Ah j'ai écouté les Salmon Fishers hier aussi !!!
Le dernier album que vous avec acheté
ou téléchargé (illégalement ou pas) ?
Martin : Straightener, un groupe de rock
japonais en bien...pas manga ! Ça lorgne un peu vers le hip hop
alternatif.
Brice : Muse, le dernier...ou Orelsan, ça a été le même syndrome que Housse de racket, en
studio j'aimais pas du tout et en live j'étais sur le cul !
Martin : C'est du rap hybride, on
peut presque le citer comme influence, il y a des sons qui viennent de l'espace, un côté
electro, il a vraiment un groupe sur scène, il est dément...c'est
du rap du futur !
Brice : Ça prend aux tripes !
Le dernier film que vous avez vu ?
Brice : Cloud Atlas de Andy et
Lana Wachowski, je l'ai trouvé moyen...
Martin : The Murderer (The Yellow sea) de Na Hong
Jin, un thriller coréen.
Le dernier livre que vous avez lu ?
Brice : Les cerfs-volants de
Kaboul de Khaled Hosseini
Martin : 1Q84 de Haruki Murakami,
en japonais...Tu commences tu te dis « je sais pas ce que je
lis », à la 200ème page « je comprends encore moins ce
que je lis » et à la fin « ah c'est vraiment pas mal »,
puis tu réfléchis. C'est bien les bouquins qui te retournent
l'esprit, j'aime bien quand tu lis et au premier abord tu ne
comprends pas, et puis tu réfléchis et tu comprends qu'il voulait
dire un truc différent de ce qui est écrit, ça marche pareil quand
j'écris les paroles j'aime le côté où tu as quelques chose en
plus, du second ou du troisième degré. Tu dois réfléchir sur le
texte pour le faire apparaître.
Votre meilleur souvenir de concert
quand vous étiez dans le public ?
Martin : Shaka Ponk aux 24h de
l'INSA, je ne connaissais pas, ils n'étaient pas connus par rapport à
maintenant. C'était juste avant la sortie de leur album, je m'attendais
pas à une telle énergie, un tel visuel...
Brice : Muse en 2003 à Vienne,
grosse baffe, je me suis mis à la guitare grâce à ça !
Ndlr : Samuel (batterie et
machine) n'était pas présent.
Mathilde
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