A l'ombre du show
business
Kery James &
Charles Aznavour
2008
« La chanson française, à
l'heure actuelle, a un avantage fantastique, c'est que les rappeurs
et les slammeurs écrivent merveilleusement notre langue ».
C'est ainsi que l'immense chanteur Charles Aznavour commence
lorsqu’on lui demande de parler du tout aussi immense -même si
moins connu- chanteur Kery James. Qu'est-ce qui aurait pu rapprocher
le vieil homme blanc sarkozyste exilé en Suisse et le jeune immigré
« de banlieue » révolté ? Tout d'abord l'amour de
la langue de Molière, l'un et l'autre jouant avec les mots, les
sons, les figures de styles. Mais aussi les débuts difficiles qu'ils
ont tous les deux connus en tant que jeunes artistes, avant
d'atteindre une certaine notoriété, chacun dans leur milieu.
Enfin l’appartenance revendiquée à une communauté ou un peuple :
le ghetto et les immigrés de France pour Kery James, les arméniens
pour Charles Aznavour (il est l'ambassadeur d'Arménie à l'ONU). Un
peuple qui a souffert pour le chanteur, une communauté qui souffre
pour le rappeur.
Cette chanson, comme un appel au
secours, permet de concilier deux styles, deux histoires, deux
générations. Mais comme le dit Kery James : « Le rap
transcende les différences, rassemble ». L'intervention
courte de Charles Aznavour à la fin de la chanson, douce, avec ses
mots « mon frère » répétés, dénote à la fois
l'universalité de la musique, et réhabilite de par la réputation
du vieil homme l'appartenance totale du rap à la musique. Un texte
qui n'est pas là premièrement pour divertir, mais surtout pour
passer un message, comme Aznavour l'a fait en son temps avec par
exemple sa chanson « Comme ils disent », qui
évoque l'homosexualité comme un fait naturel, dix ans avant que
cette orientation soit dépénalisée en France. La force de la voix
de Kery James donne des frissons, on est captivé, comme emporté dans
la musique. Et il faut attendre bien longtemps après que les
dernières notes du piano aient retentit pour pouvoir enclencher une
autre chanson...
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