Jeudi 23 : Tachka + Mermonte + Karimouche
Vendredi 24 : Fred Radix + Erwan Pinard + Théodore, Paul & Gabriel
Samedi 25 : Denis Rivet + Yann Destal + Bertrand Belin
L'Escale, 21 avenue de la Libération à
Saint Genis les Ollières
Francis Richert est programmateur à
Changez d'air, responsable du département Musiques Actuelles
amplifiées au Conservatoire de Lyon, intervenant scénique pour les
découvertes du Printemps de Bourges (région Rhône-Alpes),
musicien professionnel et... La liste serait longue si on devait la
terminer.
Autant vous dire qu'on avait beaucoup
de questions à lui poser.
Partie 1 : CHANGEZ D'AIR
L'année dernière Our Degeneration
avait assisté à la soirée Fake Oddity + Frederic Bobin + Alex
Beaupain (article live report ici). L'ambiance et le public éclectique nous avait charmées.
Cette année on y retourne, mais cette fois-ci, on fait les choses
bien :
Petite histoire du festival :
des opportunités, une belle prise de risque et une motivation
infaillible:
Francis : Je
travaillais dans la commune de St Genis les Ollières : j'étais
musicien intervenant avec les enfants. La mairie m'a demandé
d'organiser un événement. La première année, j'ai fait un
événement jeune public. La deuxième année l'adjoint aux
ressources humaines m'a demandé d'en refaire un "pour les
jeunes".
Je
n'étais pas encore musicien professionnel à l'époque, c'était il
y a 13ans. J'ai organisé ce festival de manière professionnelle.
J'avais 25ans... Tu n'as pas du tout la même motivation à cet âge
là qu'à 40ans, l’énergie et l'envie nécessaires, le courage
pour déplacer des montagnes et la folie pour le faire. Une
spontanéité et une naïveté essentielle pour prendre des risques.
Du
coup la première année on a eu une belle programmation :
Sanseverino et Les Trapettistes, la salle étant pleine, les élus de
la commune ont vu l'importance que pouvait représenter un tel
événement en une seule édition, ils ont relancé l'année d'après.
On a programmé Renan Luce et Prohom (qui travaille aujourd’hui
aussi en tant qu’intervenant scène pour les découvertes
Printemps de Bourges Rhône-Alpes avec moi).
Au
début, on avait peu de budget mais comme le festival a plutôt très
bien marché et que les St Genois se sont impliqués dans le projet,
ça a fonctionné. Je travaillais avec les enfants donc j'avais déjà
un lien avec les parents, on a vite eu du public et on a très vite
fidélisé ce public. La mairie m'a ensuite proposé de devenir
chargé de mission, je n'étais plus intervenant mais j'ai continué
le festival.
Le
public a été surpris de voir que les artistes programmés au
festival avait par la suite une médiatisation assez conséquente.
Chaque année, nous avons réussi à programmer des artistes qui, par
la suite étaient relayés par la presse et ont rencontré un succès
national (Sansévérino, Renan Luce, Prohom, Brigitte, Rover, Alex
Beaupain etc.)
C'est
tout l'enjeu pour un programmateur d'un petit lieu : tu es
obligé de trouver les artistes avant que leur réputation explose.
Il
faut aussi qu'ils aient une actualité ou alors qu'ils soient en
tournée. Et ça, avec les soucis qu'il y a dans l'industrie du
disque, c'est de plus en plus rare. Actualité, ça veut aussi dire
avoir un suivi médiatique suffisant pour qu'en plus des fidèles, il
y ait un public qui suit l'artiste. La complexité de remplir une
salle de 350 places même à 10 minutes de Lyon, je la ressens chaque
année !
Bertrand Belin - Samedi 25 mai - Changez d'Air |
Les arcanes de la profession :
Sur
un événement ponctuel, il faut penser la programmation assez vite
car les options de concert dans les salles lyonnaises se prennent
rapidement. Quand tu prévois à long terme, tu prends des risques
alors il faut suivre l’actualité mais aussi parier sur le futur
succès d'un groupe. La programmation c'est tout le temps, parfois on
commence déjà à se demander ce qu'un artiste donnera un ou deux
ans avant de le programmer à Changez d'Air. Bertrand Belin par
exemple, ça fait dix ans que nous voulons le programmer. [ndlr :
Ce dernier sera également en première partie de Nick
Cave aux Nuits de Fourvière. Tout comme Théodore, Paul &
Gabriel seront en première partie de Claire Diterzi
et de Barabara Carlotti] On est en très bon termes avec
les Nuits de Fourvière et chaque année ils lèvent l'exclusivité
pour qu'un artiste en première partie la bas soit l'une de nos têtes
d'affiches.
La
difficulté du festival, c'est qu''il n'est pas à Lyon même : c'est
difficile pour un producteur de prendre le risque de faire une date
en périphérie. C'est le business, mais c'est dommage de parfois
être dans des prérogatives d'argent et pas artistiques.
Théodore, Paul & Gabriel - Vendredi 24 mai - Changez d'air |
Après,
je suis musicien professionnel et je tourne donc je croise pleins de
groupes sur ma route. Au delà des qualités artistiques, j'essaye de
voir les qualités scéniques, des artistes qui savent communiquer
avec le public et mettre une ambiance particulière, c'est ça qu'on
recherche ! Comme on connaît les groupes ET le public, c'est
plus facile de choisir.
Notre
projet culturel consiste à coller à la volonté du public, à celle
des élus et aux exigences du lieu. On ne peut pas faire un concert
de dub à St Genis, par contre de la chanson française, on peut, le
festival est ancré dans ce style. Ça ne veut pas dire qu'on reste
constamment dans ce style là, la preuve, depuis quatre ou cinq ans
on s'est ouvert sur d'autres esthétiques parce qu'on a réussi à
fidéliser notre public !
La programmation 2013, une cohérence
surprenante...mais charmante !
Mermonte - Jeudi 23 mai |
Le mot de Our Degeneration :
Neuf groupes, neuf univers différents et pourtant on retrouve les
mêmes ingrédients dans la programmation de cette année
(éclectisme, cohérence et curiosité) que dans celle de l'année
dernière qui nous avait enchantées.
Pop, chanson, folk, rock et même
rap : le menu est alléchant. On ne sait que vous conseiller
puisqu'on a nous même envie de tout goûter !
Tachka - Jeudi 23 mai |
La soirée du jeudi commencera avec
la douce folk de Tachka, jeune lyonnaise d'origine danoise à la voix
sucrée. La pop grandiloquente de Mermonte (dix musiciens sur scène)
fera la transition entre l'anglais de Tachka et le français de
Karimouche. En effet, le groupe rennais est bilingue. On finira
joyeusement la soirée avec la pétillante Karimouche et ses folles
histoires. La musique oscillera entre le hip hop, la chanson
française classique, le slam, le jazz et le rap...
Erwan Pinard - Vendredi 24 mai |
Le vendredi, deux énergumènes de
la chanson française/lyonnaise ouvriront le bal : Fred Radix,
puis Erwan Pinard. Leurs textes sont décalés, drôles et touchants.
Suivront les trois jeunes filles de Théodore Paul & Gabriel
qu'on ne présente plus mais qu'on aime comme au premier jour de la
sortie de leur album !
Le samedi soir est définitivement
un tout. Trois artistes interchangeables mais indispensables !
Yann Destal - Samedi 25 mai |
Denis Rivet revient des Inouïs du
Printemps de Bourges avec ses chansons singulières qui parlent de
lui, de nous, de vous. Yann Destal sera plus pop, avec sa voix
enchanteresse et ses arrangements plus électriques. Pour terminer en
beauté, un dandy parisien : Bertrand Belin et sa voix plus
vieille que lui. Sa poésie mélancolique rappelle un artiste de
l'édition 2012 : Alex Beaupain.
On espère donc, à vrai dire on
n'en doute pas, que le résultat sera aussi marquant que celui de
l'année 2012.
Karimouche - Jeudi 23 mai |
Francis : On
a choisi des artistes en voulant faire des plateaux cohérents. Mais
il y a aussi le problème de la disponibilité des artistes.
Karimouche joue a Paris le vendredi, on tenait à la programmer, on a
tenu bon, du coup on a basculé Théodore, Paul & Gabriel le
vendredi. Le plateau n'était plus celui prévu au départ mais la
programmation reste cohérente sur les trois jours, pour l'ensemble
du festival. Le public suit, il comprend qu'il y a une logique !
La programmation se fait par coup de cœur mais on doit aussi prendre
en compte des facteurs liés au possibilités des artistes.
Pour
2013 on avait pensé à beaucoup d'artistes : Bertrand Belin,
Mathieu Boogaerts, Denis Rivet, FAUVE, Mermonte, Marie Pierre Arthur,
Karimouche, St Vincent, Théodore, Paul & Gabriel, Fred Radix,
Erwan Pinard, Tachka, Yann Destal.
Certains seront sur la scène du
festival cette année, d'autres le seront ailleurs. C'est le jeu de
la programmation d'un événement ponctuel et en périphérie.
Partie 2 : MUSIQUES ACTUELLES DU CONSERVATOIRE DE LYON
Our Degeneration et les MusiquesActuelles du Conservatoire de Lyon, c'est une longue histoire. Elle
commence avec la première interview du blog : Dark Matter, elle continue avec les JÜNE, Nina Fleury et Jesse K mais
aussi avec les Freeds.
Francis : Ça
fait dix ans que je suis responsable du département musiques
actuelles amplifiées / chanson. Ça correspond tout
simplement au rock et à la chanson en passant par
l'electro...
C'est
sous forme d’accompagnement de projets artistiques. Un projet
artistique c'est un groupe ou une personne qui écrit ses propres
chansons et qui veut en faire quelque chose : les défendre sur
scène ou sur disque. Notre travail consiste à les aider à mettre
en forme leur projet, au niveau artistique (musicale, écriture) et
stratégique (faire connaître le projet). On propose des répétitions
accompagnées, au moins une résidence par an, du studio (un ou deux
titres enregistrés dans l'année), des concerts (quatre ou cinq par
an dans des lieux partenaires) et des rencontres avec des
professionnels.
La
mission principale du conservatoire c'est aussi d'enseigner la
technique et la théorie de la musique, alors en plus du projet
artistique qui est le cœur de notre métier, on forme les groupes
aux techniques instrumentales et à la MAO.
La
difficulté est de faire rentrer ces schémas de travail dans
l'institution du conservatoire, non pas à l'échelle locale (Lyon),
mais au niveau institutionnel national. La complexité est de faire
comprendre qu'on n'est plus dans un schéma classique de répertoire
mais sur un schéma d’accompagnement et de compréhension des
logiques qui constituent celles des musiques actuelles.
Ceux
qui ont le plus de mal à accepter l'évolution, ce sont les groupes
qui ne frappent pas spontanément à notre porte, ils y frappent
parce que ceux qui constituent l'équipe, c'est à dire Julien,
Jérôme et Gilles...et moi, nous sommes très identifiés dans le
réseau musiques actuelles. Comme nous sommes issus de ce milieu nous
avons une crédibilité et une légitimité qui fait que les groupes
viennent, ce qui n'est pas le cas dans d'autres conservatoires.
Bonus : PRINTEMPS DE BOURGES – TOURNÉES - DÉCOUVERTES
Denis rivet - Samedi 25 mai - Changez d'Air |
Francis : Je
suis aussi intervenant scène à Tagada Tsoin Tsoin , l'antenne
Rhône-Alpes du Printemps de Bourges et pour les artistes qui me le
demandent. Pour le travail avec un artiste, c'est souvent sous forme
de résidence de quelques jours dans une salle de spectacle où l'on
travaille le son, l'aspect scénique, les arrangements,
l'interprétation, bref, être artiste c'est un métier.
Sinon
je suis musicien professionnel depuis cinq ans et je travaille avec
les artistes qui m'appellent. J'ai collaboré avec Carmen Maria Vega,
Buridane, Mauss, Ronan Siri ou encore Johnny Maalouf...
Les questions traditionnelles Our Degeneration
La dernière chanson que tu as
écoutée ?
Hotel California des Eagles en
acoustique.
Le dernier album que tu as acheté
ou téléchargé (illégalement ou pas) ?
Je n'achète plus d'album depuis
longtemps...
En revenant de Bourges j'ai beaucoup écouté Wolves and Moons et Darko.
En ce moment j'écoute Bertrand
Belin et Denis Rivet en boucle, d'abord pour des raisons professionnelles : je travaille avec Denis, mais pas uniquement, c'est aussi par plaisir : en
week end, en partant avec mes filles il y avait Denis Rivet dans la
voiture.
Sinon j'aime toujours autant Blond Redhead et... Radiohead, c'est
récurrent
Le dernier film que tu as vu ?
Amour de Mickael Haneke, ça parle de la vieillesse, de l'amour
inconditionnel. Je ne sais plus qui dit « Le seul amour qui est
gratuit c'est celui qu'on donne à ses enfants ». Dans Amour,
Trintignant fait la même chose avec sa femme, c'est un amour
tellement gratuit qu'il la conduit à la mort. Par contre c'est lent, mou et un peu trop intellectuel à mon goût mais la
démonstration qu'Haneke fait est magnifique.
Sinon j'ai vu Les Croods avec mes filles !
Sinon j'ai vu Les Croods avec mes filles !
Le dernier livre que tu as lu ?
Jim Harrison, Une Odyssée
Américaine. C'est génial mais c'est pareil
qu'Amour, c'est une éloge de la
lenteur. Il faut prendre le temps de vivre et ne pas courir après le
temps. Un paysan se fait quitter par sa femme à 60ans, il vend sa
ferme et avec l'argent il traverse l’Amérique en visitant des gens
qu'il connaît. Il profite de la vie sans qu'elle soit une vie rapide
à la Jim Morrison ou à la Hendrix qui se détruisent en
trente ans, c'est le contraire des musiques actuelles, le personnage sait qu'il
lui reste vingt ans à vivre et on sent qu'il veut en profiter
jusqu'au bout et prendre le temps de savourer chaque instant.
Ton meilleur souvenir de concert
quand tu étais dans le public ?
Le meilleur concert que j'ai
vu...c'était une place offerte. La chance qu'on a en étant dans le
milieu de la musique, c'est qu'on ne paye plus, ou très rarement : ça
m'arrive dans des touts petits lieux parce que j'ai envie de faire
vivre l'artiste ou dans pour des grosses production pour lesquelles je n'ai pas d'invitations.
C'était Chris Isaac à la salle trois
mille, pour la fête des pères. La mère de mes filles me l'a
offert,
je suis arrivé en pensant que ça
allait être un show à l'américaine...Premier titre show à
l'américaine, deuxième show à l'américaine, troisième
titre...BIM : il a retourné la salle, il joue avec un côté
kitsch mais il a une superbe autodérision, Elvis le faisait très
bien, avec son costume à paillettes.
En plus de ça il y a du fond : ses titres c'est toute une génération, il a amené quelque chose à la
musique et vingt ans après il garde cette fraîcheur parce qu'il a
une autodérision monstrueuse. C'était un des meilleurs concerts de ma vie, parce que
c'était lié à un contexte !
J'ai vu The Hives, il y a trois-quatre
mois au Transbordeur, c'était la folie, il fallait absolument aller
voir The Hives,. Donc j'ai été voir The Hives. Alors ils communiquent avec le public mais c'est tellement un show huilé et
calibré pour que ça marche partout dans le monde, peu importe la
culture du lieu... Il n'y a pas d'émotions, ça ne me touche pas, c'est juste de l'énergie. Si t'as bu
une dizaine de bière et que tu es bien chaud, tu vas aller t'éclater
dans la fosse et c'est super.
Les groupes qui font moins attention au business et qui sont plus dans l'artistique ça se sent directement. Un groupe qui a dévié parce que la machine s'emballe et parce qu'on y voit un potentiel international, ça ne touche pas. Il y en a qui le font avec plus de spontanéité et de naïveté, mais c'est moins médiatisé, il se passe quelque chose. Les majors signent pour du buzz...La durée de vie d'un artiste maintenant c'est trois ou quatre ans, sauf exception : des majors signent parfois sur une carrière, mais de moins en moins.
Les groupes qui font moins attention au business et qui sont plus dans l'artistique ça se sent directement. Un groupe qui a dévié parce que la machine s'emballe et parce qu'on y voit un potentiel international, ça ne touche pas. Il y en a qui le font avec plus de spontanéité et de naïveté, mais c'est moins médiatisé, il se passe quelque chose. Les majors signent pour du buzz...La durée de vie d'un artiste maintenant c'est trois ou quatre ans, sauf exception : des majors signent parfois sur une carrière, mais de moins en moins.
Mathilde
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