29 novembre 2012

Salmon Fishers - Interview

Nous sommes impardonnables : Avec quatre mois de retard, nous publions enfin l'interview déjantée des Salmon Fishers.
Au programme une quantité non négligeable de réponses argumentées, de fous rires, de débats, d'interview renversée. Le tout sous l’œil aguerri de la statue de Sadi Carnot...
A vrai dire, on s'est plusieurs fois demandé si l'interview n'était pas double : Salmon Fishers/Our Degeneration.
En résumé une très belle rencontre et un échange bien constructif !




OD : Donc vous, le groupe, ça fait combien de temps ?
Robin (chant) (lueur de doute dans le regard) : ça a commencé là ? 

OD : Non mais c’est juste une question d’introduction, histoire de commencer la chose.

Christophe (basse) : Eh bien écoutez, je vais laisser la parole à Robin. 
R : Mais ça  vraiment commencé ? 
Damien (trompette)  : Bon, déjà, tu dis bonjour...
R (le regard déterminé) : Donc le groupe a commencé il y a trois ans suite à un voyage au Canada. Valérian -le guitariste- Grégoire -le claviériste- et moi-même, le chanteur, sommes partis sur une petite île pour nous  immerger  dans la vie quotidienne canadienne. D’abord on a découvert beaucoup de groupes, comme Arcade Fire, et on a commencé à trouver notre style avec beaucoup d’influences nordiques, etc. Suite à ce voyage, on est rentrés transcendés de cette expérience et on a voulu rencontrer des musiciens et CRÉER UN GROUPE (Robin hausse la voix en raison de cris stridents émis par des enfants en bas âge à quelques mètres de là). Du coup à Lyon on a commencé à trouver petit à petit des musiciens et à créer l’univers Salmon Fishers. 

OD : A la base vous êtes tous lyonnais ?

R : Non. A la base Grégoire, Valérian et moi, ceux qui sont partis en voyage, on est du Puy-en-Velay. Damien il est originaire de la Drôme.
D : C’est ça.
R : Je me trompe toujours avec l’Ardèche, mais c’est pareil…
D : (mouvement de la tête désapprobateur)
R : Et Christophe il est presque lyonnais.
C : Oui voilà, je suis de l’Ouest lyonnais.
D : Le batteur est de Lyon aussi.
R : Oui alors entre temps il y a eu Victor, qui est le tromboniste. Et il est de…
D : Il vient d’Orléans.
R : Et Allan le batteur qui est de…
D : de Lyon. On s’est rencontrés à Lyon, parce que Grégoire, qui est un des membres fondateurs, était dans la même école que Victor et moi, donc c’est facile pour se rencontrer, et après Allan étant lyonnais,  fin bon… ça brasse.

OD : Et vous faites ça à côté de vos études ? 

D : Oui on le fait toujours à côté de nos études, ou maintenant à côté de notre boulot, parce que les études sont finies pour certains. Et ça a toujours été le but de faire des études avant toute chose et…
R : Non, bah non (rires)
D : Non pas exactement avant toute chose, mais plutôt de…
C : C’est plus avoir un bagage, pour pouvoir s’assurer quelque chose si jamais ça marche pas. On va tout mettre du côté de la musique, on essaye toujours de faire de la musique à côté de notre travail.
R : Maintenant ça devient presque l’inverse en fait. On essaye de travailler à côté de la musique.
D : C’est tout à fait ça… 

OD : Ça prend de l’ampleur ?

R : Ça prend de plus en plus d’ampleur, on a de plus en plus de dates, de choses à faire en dehors du groupe. Des trucs tout bêtes, mais s’occuper d’un visuel, le mettre en place,  le montrer à des personnes, s’occuper de la presse etc… Faire des interviews dans des parcs (rires), ce genre de choses, ce qui fait que ça prend de plus en plus de temps, c’est très chouette. Là on est sur une préparation pour le Printemps de Bourges 2013, du coup c’est tout une dynamique qui se met en place et qui prend beaucoup de temps.

OD : Vous étiez à Rock’n’Poche il y a quelques jours ? 

C : Allez, tout le monde sourit et a les yeux qui brillent, parce que c’était trop bien. C’était un super bon concert.

OD : Il y avait pas mal de monde en plus...

R : On a joué devant 3000 personnes environ. Ça a été notre plus gros concert, donc on a pris un pied fou, et on est encore sur notre petit nuage de samedi soir. 

OD : Vous avez joué avec qui là-bas ? 

R : On a joué avec Emir Kusturica
C : Debout sur le Zinc
R : Sporto Kantes
D : François and the Atlas MountainsGolden Zip, qui est un groupe lyonnais aussi. C’est pas mal. 

OD : Sur scène du coup, vous êtes sept ?

R : Oui. Alors on va poser les questions maintenant, est-ce que tu te rappelles de tous les instruments ? 

OD (Mathilde) : Oui!. Trompette, trombone, guitare, batterie, chant, clavier, basse.
C : J’avais peur que t’oublies la basse. 

OD : Et votre batteur avait un bras dans le plâtre à la Croix-Rousse, c’est intéressant...
C : On a fait plusieurs scènes avec le batteur le bras dans le plâtre. Justement, ça nous a permis d’avancer d’autant plus et de s’assurer qu’on peut arriver à jouer un truc bien. 

OD : Ça montre aussi la technique, vous avez quoi comme bagage au niveau de la technique ? Musicalement vous venez d’où ? 

C : Tout le monde vient d’univers différents.
R : Il y a à la fois des personnes qui ont fait le Conservatoire, Allan par exemple le batteur est au Conservatoire de Jazz. On a aussi certains musiciens qui sont autodidactes. Il y a vraiment des parcours très différents : ceux qui ont fait des écoles de musique et ont bossé le classique pour ensuite venir à la pop, et au contraire ceux qui ont découvert la pop et ont tellement aimé la pop qu’ils se sont dit je veux faire de la musique, et qui ont appris la musique via la pop…
D : et qui découvrent le classique.
C : Ce qui est en fait super bien grâce à ça c’est qu’en répétition chacun apporte sa patte.
R : Oui voilà par exemple je vais chanter des lignes de trompette, et après il y a Grégoire ou Damien qui va aller retranscrire sur papier pour arriver à faire des arrangements derrière. A mettre des si bémol dièse... 
C : Fa bécarre...
R : ...alors que l’idée de base sera venue d’un chant imaginé. 

OD : C’est vrai que ça se ressent dans votre son que tout ça vient d’horizons divers, donc vous êtes sept sur scène… 

C : Le patchwork musical, on a chacun des influences différentes, on écoute quasiment tous de tout et du coup on a plein d’idées dans la tête et on arrive à reproduire quelque chose.
D : C’est pas venu tout de suite, on a mis un moment avant de trouver un équilibre en répét’ et maintenant on peut dire qu’on parle un langage qui est propre à nous 7 parce que on veut souvent dire la même chose mais on le dit pas de la même manière, donc on se comprend et on fonctionne bien. Je dirais que ça fait six mois, un an que c’est équilibré mais on a mis un certain temps avant d’arriver à tout combiner, tout ce « bordel », mais maintenant c’est un bordel organisé. 

OD : Vous partez d’univers musicaux différents, quand on lit des trucs sur vous, vous citez Arcade Fire notamment.

R : En fait on a Arcade Fire vraiment en base, parce que c’est le groupe en fait qui, personnellement, m’a donné envie de faire cette musique-là. Arcade Fire ça reste un groupe qui est toujours là, c’est…
C : Une référence.
R : Une référence, ils arrivent tellement à faire des choses très différentes. Pour moi c’est un groupe très novateur et dont on se rappellera dans 40 ans. Du coup ça a été le groupe qui nous a tous influencés, après forcément on est partis vers d’autres horizons. Mais au final on a l’impression de tous revenir vers Arcade Fire tellement Arcade Fire arrive à faire un mélange de styles, comme on aime faire aussi sauf qu’on mélange pas les mêmes styles qu’Arcade Fire, donc ça donne quelque chose qui n’est pas du Arcade Fire. (ndlr :Vous aussi vous avez remarqué le nombre incroyable de fois que Robin a cité Arcade Fire dans une seule phrase?)

OD : Et vous pouvez citer qui d’autres comme groupes qui vous influencent particulièrement excepté Arcade Fire ? 

R : On a vu Bon Iver avant-hier, aux Nuits de Fourvière, donc forcément grande influence. Il y a aussi Sufjan Stevens, pour tout ce qui est très orchestral. Et à côté on est influencés par tout ce qui est aussi pas basique, mais plus sauvage, que ça soit de la musique électronique comme LCD Soundsystem.
D : M83 aussi, dans cet esprit-là. Mais c’est une base quoi, il y a une base commune et après parfois on apporte des trucs on sait pas d’où on les a sortis. Des fois en écoutant un truc de Mozart en classique on va trouver deux secondes qui vont aller au bon endroit, et on recompose et puis derrière l’autre va comprendre différemment et va rajouter quelque chose qui va aller bien…
R : On peut aussi s’inspirer de musiques tribales africaines, de rythmiques, puis par-dessus on va mettre des arrangements de cuivres… On est tous des grands amoureux de la musique en général, et tout ce que j’aime j’ai envie de le retranscrire à ma manière, donc ça va être une partie rythmique africaine mélangée à des guitares pop nordiques… C’est ça qu’on aime faire en tout cas. 

OD : A vous entendre on dirait qu’il y a vraiment une alchimie entre vous tous, et que malgré vos horizons différents et vos influences différentes, vous voulez vraiment communiquer un truc ensemble. 

D : Oui, et sur scène, je sais pas si ça se ressent, mais il y a des groupes où on a vraiment la mise en avant d’une personne, nous c’est pas forcément ça. Les parties qu’on joue sont pas vraiment très compliquées, c’est plus qu’on joue ensemble et on essaye d’avoir une dynamique commune.
C : On veut garder cette impression de bloc en fait. Et pas forcément que sur scène, aussi au niveau justement du visuel, un logo avec une tente…
R : Un tipi…
C : Une tente canadienne ! 

OD : Ce qui se dégageait du concert à la Croix-Rousse c’était justement que ça allait même plutôt bien avec l’ambiance du quartier, ça donnait un côté très chaleureux avec les cuivres qui réchauffent vachement l’univers justement comme vous disiez pop nordique avec lequel je suis pas forcément d’accord. L’univers est beaucoup plus chaleureux que les univers plus minimaux/minimalistes de LCD Soundsystem, Metronomy, ou Björk que vous citez aussi. C’est beaucoup moins froid.

C : C’est pour ça que… (irruption soudaine d’un enfant dans le champ de la caméra) Qu’est-ce que je disais ? Oui, on s’inspire pas d’un groupe au départ, il n’y a pas de groupe de référence dont on s’inspire. Quand on dit qu’on s’inspire de LCD Soundsystem c’est pour aller chercher une rythmique de batterie, seulement, on va pas…
R : C’est pas forcément quelque chose qu’on va chercher sur un instrument, c’est plus une énergie. En fait, quand tu cites Björk etc au final c’est quelque chose qui va t’embarquer dans un univers mais comme on est sept on peut vraiment dégager une énergie tribale quand on est sur scène, ce qu’on peut retrouver dans des groupes comme LCD par exemple.
OD : Et quand sur scène tu tapes sur ton tom basse c’est pour le côté tribal aussi ?

R : C’est parce que je suis batteur à la base.
D : Ouais et puis c’est une énergie. Je sais pas si vous avez déjà vu Arcade Fire en concert c’est ça quoi, c’est nordique Arcade Fire, mais il y a de la chaleur derrière.
R : Oui et puis sur scène je ne peux pas ne rien faire, même si on fait des choses très simples comme disait Damien tout à l’heure, le but c’est d’arriver à tout combiner pour que ça soit un ensemble, et à dégager quelque chose. Moi ça va être une féroce envie de taper sur des tom basse à ce moment-là, pendant que Damien va faire une petite danse derrière moi à un moment, c’est qu’en fait il y a quelque chose qui se passe sur scène, on est pris par quelque chose ce qui fait qu’on a envie de l’exprimer par une danse, par un instrument, par une communication avec le public, par notre son, par plein de choses… 

OD : Quelque chose de spontané, vous arrivez pas avec votre truc bien propret bien calé…
C : En fait c’est le cas en vrai. 

OD : Alors c’est calé, mais ça ne donne pas l’impression que ça l’est. 

C : Oui, c’est vraiment ce qu’on essaye de transmettre. On peut pas se permettre que ça soit le bordel justement. C’est super carré, mais on arrive à se lâcher.
D : On sait pas comment les autres font, mais nous c’est quand même très très carré en répét’. Ça veut pas dire qu’on se lâche pas, c’est juste que c’est hyper organisé parce que si il y en a un qui commence à vouloir faire ce qu’il veut…
R : On a un planning en fait de 18h à 21h, on a la pause de 18h50 à 55,
D : 56. 
R :  Fin c’est presque ça quoi. C’est un système assez scolaire pour arriver à travailler de manière efficace, tout en prenant du plaisir en même temps.
D : Et le but c’est que ça ne s’entende pas sur scène.
R : Je pense qu’on prend tellement de plaisir à être sur scène et à pouvoir échanger, proposer notre musique, que forcément ce qu’on fait devient naturel et ça fait moins organisé. 

OD : Et quand vous dites que vous êtes très carré dans les répéts, c’est aussi carré dans la composition ? Pour composer, vous vous en sortez comment à sept ? 

R : En général, la plupart du temps, c’est une personne qui va amener une idée, et puis on va travailler à partir de ça. En général c’est Valérian ou moi, Christophe de temps en temps, qui amenons une proposition de base, c’est-à-dire que ça va être une ligne de chant avec une rythmique, un son, et à partir de là c’est quelque chose qu’on va faire mûrir à 7. On va commencer à travailler dessus, on va le ranger dans un tiroir, passer à une autre chanson. Puis un peu plus tard on va ouvrir le premier tiroir, prendre la compo, on va essayer de mettre ce qu’on a trouvé entre temps, ça prend énormément de temps, mais ça vient de l’idée de quelqu’un à la base qui a vraiment réfléchi à la chanson. Parfois ça va aller vers quelque chose de totalement différent parce que les autres amènent d’autres idées. C’est comme ça qu’on travaille. 

OD : Et pour enregistrer vous cherchez un label mais du coup vous fonctionnez comment ? Vous avez votre propre matos ? 

R : Pour tout ce qui est enregistrement studio, on travaille avec Mikrokosm, à Villeurbanne, un magnifique studio nordique, justement,  avec parquet, des grands murs blancs, des poutres apparentes… Des piano à queue, des orgues…
C : Non mais on y retourne bientôt… ça lui manque.(petite tape amicale sur l'épaule)
R : Donc c’est là qu’on enregistre pour l’instant, en autoprod ou en coprod, et en fait on aimerait trouver un label pour pouvoir sortir un album. On va sortir un EP en mars 2013 (ndlr : les phases de préprod et de prod ont eu lieu fin août et fin septembre en studio)
D : Avec l’EP on va monter un nouveau spectacle par rapport à ces nouvelles chansons, qu’on fera à partir de novembre/décembre. Encore une fois ça dépend de ce qu’on arrive à faire.
R : Après on va sûrement commencer à faire des premières parties dans des salles de la région. Le but après c’est d’enchaîner sur le Printemps de Bourges. 

OD : Vous essayez de vous construire une sorte de notoriété, votre but est de vraiment vous faire connaître ? 

R : Oui, c’est d’élargir le réseau professionnel aussi, et d’arriver à convaincre le plus de personnes, de manière à arriver à faire Bourges au printemps 2013, et arriver à signer avec un label, pour un album.
D : C’est ça.
R : Et jouer au Canada, après… 

OD : Retourner sur l’île fondatrice…Et à part le Rock'n Poche, sur quelle scène avez-vous préféré jouer ?

R : L'épicerie Moderne
D : En fait, ça a été progressif, ce qui est bien c'est qu'on préféré un concert et puis on a préféré le suivant, puis un autre. « Préféré » c'est un petit peu excessif du coup comme mot, moi j'ai un super souvenir du Marché Gare parce qu'il y avait vraiment une ambiance de ouf ! Après à l'Epicerie, on était mieux...
R : Carrément ! Il y avait une ambiance encore plus de ouf.
D : Moi j'ai pas eu le même ressenti, tu vois, c'est pas forcément pour les mêmes raisons...Ce qui est bien avec le Rock'n Poche c'est que ça a mis tout le monde d'accord !
C : Chacun a ses petits critères, le Rock'n Poche, c'était quand même un plus grand public donc on avait un vrai retour.
R : C'était la première vraie date qu'on faisait en dehors de Lyon, enfin non, mais c'était en tout cas notre premier festival ! Pour un groupe c'est un événement assez marquant. En extérieur devant 3000personnes avec des montagnes à perte vue derrière...Les Alpes quoi ! C'était magique comme scène, c'était une sensation vraiment particulière, c'était au delà de juste un kiffe musical, je pense que c'est pour ça que ça met tout le monde d'accord. On s'en rappellera toute notre vie.

Our Degeneration: Vous parliez des retours du public, qu'est ce qui vous touche le plus dans ces retours ?

R : J'adore les retours négatifs, c'est ce qu'on préfère, ça nous permet d'avancer, on en prend note, quand il y a dix fois une même critique...
C : C'est que ça va pas du tout...
R : Ça peut être inhérent à chaque personne... mais une critique construite sur une chanson, on la prendre en compte pour évoluer et travailler. Les retours positifs ça fait toujours plaisir, les négatifs ça fait avancer.
D : Mais après on ne prend pas en compte TOUTES les critiques, on ne va pas s'arrêter directement, on essaye de faire la part des choses. On essaye avant tout de garder notre identité, des gens n'aiment pas ce qu'on fait mais on ne va pas tout changer pour eux.

Our Degeneration : Un souvenir d'un concert pendant lequel vous étiez côté public ?

Robin, Damien et Christophe, un sourire jusqu'aux oreilles...
C : C'était il n'y a pas très longtemps, c'est bizarre...En fait toute notre vie a commencé avant hier (ndlr : l'interview ayant été faite en août, le Rock'n Poche et le concert de Bon Iver avaient eu lieu quelques jours auparavant)
Fou rire de Robin et Christophe
D (un peu plus sérieusement) : Là encore, on va sûrement citer trois concerts différents et il y a des choses, je pense que vous n'allez juste pas forcément comprendre pourquoi c'est ce concert là en particulier. Et...(regard consterné vers les deux autres).
C : Si, là c'est vrai qu'on y était il n'y a pas longtemps, on est encore dedans et puis c'est vrai que c'était un gros week end : on est parti tous les sept au Rock'n Poche...Donc du coup Bon Iver, c'était une grande claque.
D : Encore une fois, il a mis tout le monde d'accord.
R : Non moi le concert le plus fou que j'ai vu, c'était Blur aux Nuits de Fourvière en 2008 ou 2009, parce qu'il y avait une émotion, le seul reproche que je fais à Bon Iver, c'est qu'il est dans une tournée et qu'il n'y avait pas ce côté humain, il avait beau être parfait musicalement sur pleins de points...Blur c'était la seule date qu'ils faisaient en France, ils s'étaient séparés pendant dix ans. Donc quand tu vois le chanteur qui a les larmes aux yeux à la fin du set tellement il aime l'endroit, il y a quelques chose qui se passe au delà de la musique, c'est pour ça que ce concert restera numéro 1 dans ma vie, parce que c'est rare de vivre des moments comme ça.
D : Moi j'aurais du mal à en citer un, parce qu'il y a plusieurs sortes de scènes, sur les petites c'est pas le même effet que sur des grosses scènes. Je dirais Arcade Fire aux Eurockéennes en 2007, donc ça fait quand même un moment. J'ai pris une grosse claque, je connaissais pas, j'étais arrivé (haussement d'épaule)...Voilà, je m'en souviendrai ! Caravan palace aux Solidays et Bumcello, un violoncelle et une batterie électrique...Et les mecs ils improvisent pendant une heure et demie, ils partent sur une note et ne s'arrêtent pas de jouer, c'était juste fantastique. Après, pourquoi ces trois là ? Je n'arriverai pas à les classer. Bon Iver arrive en quatrième.
C : Moi Bon Iver, je garde aussi un très bon souvenir d'une programmation de Musilac, Phoenix, Birdy Nam Nam. Phoenix je les avais vu pour la première fois au Transbo, c'était bien mais sans plus, et à Musilac je me suis dit « c'est le truc à voir ».
R : Et vous ? Votre plus beau souvenir de concert à part la fête de la musique avec les Salmon Fishers ?
Léa : Izia à Manosque, un concert gratuit dans le sud. C'était assez fou, elle était en pleurs, Izia, je suis pas forcément ultra fan, mais le concert était impressionnant, j'étais bouche bée devant son énergie et ses musiciens
R : Ah, c'est la où il y avait Brigitte Bardot je crois, elle a fait une chanson sur Manosque, le Plage Abandonnée.
Rires
Mathilde : Ce qui m'avait frappé chez Izia, c'était aux Nuits de Fourvière, Sugar Cane chanté sans micro dans le théâtre et puis sinon il y en a tellement.
R : Si il y en a trop c'est qu'il n'y a pas eu UN concert...
Léa : Si moi j'avais vu Foals.
Mathilde : Après ce sont des concerts de groupes que j'aime plus ou moins. Depeche Mode au stade de France à 11-12ans...Les Nuits de Fourvière, le Transbo, le Ninkasi...
C : Tournez la caméra, qu'on rigole un peu devant VOTRE interview !
R : T'avais des bons goûts à 11-12ans...Moi j'écoutais...
C : Aux Nuits de Fourvière j'ai vu les Strokes, c'était pas « gégé »...
Léa : Nous les Arctic Monkeys...
Mathilde : L'ambiance était vraiment pas respirable...
R : « Gégé ? »
C : Puis c'est beau les Nuits de Fourvière. Oui « gégé ».
R : T'as une acoustique géniale !
Mathilde : Hanni El Khatib et Kasabian aussi, c'était géant. Il y a une différence entre artistes français et anglais, les anglais sont moins chaleureux sur scène.
Léa : Les Kills au transbo, pas un mot, ils font leur show et ça enlève...
Mathilde : Le côté chaleureux des Salmon Fishers à la fête de la musique

Our Degeneration : La dernière chanson que vous avez écoutée ?

R : Malheureusement, depuis le concert de Bon Iver, je vais t'avouer que toutes les musiques me paraissent fades. Et que je n'ai pas réécouté de musique depuis Bon Iver. Ah bah si, j'ai remis la Madrague ce matin, j'ai fait de la peinture et on a mis sur la plage abandonnée...
C : Je crois qu'il y avait Fritz Kalkbrenner quand jsuis parti de chez moi.
D : Motion Sickness de Hot Chip.

Our Degeneration : Le dernier film que vous avez vu ?

C : New York I love you, hier, très bon, c'est un assemblage de courts métrages.
R : Batman, dimanche, j'ai été déçu, c'est du bruit tout le temps quand tu sors, tu as l'impression que tout est calme, ça m'a gavé, l'histoire...J'aime bien les supers héros mais de temps en temps...Là j'ai pas...c'est un peu trop tout le temps.
D : Moi c'était Pirates, le film d'animation, genre Cars, j'étais avec mes potes, on s'est bien marré. Après je regarde pas mal de vidéos de concerts...
R : Là c'est un film qu'on te demande !
D : Pirates alors !
C : Tu m'aurais posé la question y'a deux jours, c'était Kiss and Kill avec Ashton Kutcher, c'est une vraie merde, ne regardez jamais ça (en pointant la caméra) !
R : Et vous, le film qui vous a marqué ?
Léa : Holy Motors de Leos Carax,
(regards intrigués...)
R : Je vous conseille un film aussi, qu'il ne faut surtout pas aller voir...donc je vous le conseille pas, c'est avec l'acteur de Twilight dans une limousine : Cosmopolis ! Il est bon acteur dans le genre acteur en plastique, ça lui va bien, mais c'est le film...
Léa : Oui les critiques...
R : Soit on adore soit on déteste !
Léa : Exactement !
Mathilde : Par contre Sur la route avec l'autre qui joue dans Twilight, la fille, avec l'acteur de Control et Garrett Hedlund...Ça m'a réconcilié, un peu, avec elle...
C : Ah y'a le mec de Control dedans...
Léa : On est d'accord, il est génial Control ? C'est mon film culte
Mathilde : De Into the Wild à Twilight, elle était tombée dans mon estime...
Léa : C'est le grand saut.


Our Degeneration : Le dernier album que vous avez acheté ou téléchargé illégalement ?

D : Acheté, l'album de The Shoes.
R : Acheté... Arcade Fire il y a deux ans, mais j'ai acheté des vinyles entre temps.
C : Un groupe belge qui s'appelle Sharko.
R : Par contre en téléchargé illégalement... Il doit y en avoir dix qui sont arrivés ce matin sur mon ordinateur.
D : Non mais c'est un outil professionnel pour nous. C'est pas illégal

Our Degeneration : Tout comme pour nous...
R : Et on va dire aux gens...TELECHARGEZ NOUS ! Illégalement mais téléchargez nous, vive le téléchargement libre !

Our Degeneration : Le dernier livre que vous avez lu ?
(Désespoir général sauf pour Robin, stoïque)
R : Sa majesté des mouches (ndlr : William Golding)
(Intense réfléxion)
C : Moi je crois que c'était l'Ecume des jours de Boris Vian, mais je l'ai lu plusieurs fois.
Léa : « En fait je ne lis que ça »...
D : Moi un livre de Sylvain Tesson dont je ne me rappelle plus le titre. (ndlmdlr (sigle devinette) : à lire : Dans les forêts de Sibérie). Bien pour s'évader.
R : Je vous en conseille un qui est trop trop bien et qui est apparemment un chef d’œuvre pas du tout connu mais j'ai eu la chance de tomber dessus au Maroc. C'est Un siècle après Béatrice de Maalouf (ndlr : Le premier siècle après Béatrice du libanais Amin Maalouf). Je vous le conseille vu que vous avez l'air de lire beaucoup, moi je lis malheureusement assez peu, mais c'est comme pour les concerts, j'aime prendre des claques. Je vous le conseille aussi à vous (ndlr : oui à vous lecteurs!)

Le vent se lève, le parc est vide, il n'y a plus d'enfant, c'est la fin du monde, la poussière et les feuilles volent. Bref, c'est la fin de l'interview qui sonne.
C : R'garde ça, j'ai six appels manqués !


20 novembre 2012

Soulages XXIème siècle - Musée des Beaux Arts de Lyon

Soulages XXIème siècle

Musée des Beaux Arts de Lyon
12/10/12 – 28/01/13
(Pas de photos d’œuvres dans l'article, cela ne servirait à rien, tout d'abord parce que l'impact est toujours plus fort dans la réalité mais surtout parce que les peintures de Soulages sont faites pour être appréhendées dans leur espace. En revanche, cet article est une forte recommandation d'aller vous balader au musée des Beaux Arts un de ces jours!)

Une trentaine des œuvres les plus récentes du vieux peintre. Très noires, parfois blanches et un tout petit peu bleues. Des sillons tracés dans la peinture, matière même des toiles, comme des creux dans le sable. Une marée de noir.
Dans la fausse régularité des lignes horizontales, chacun voit ce qu'il décide : la mer calme qui entoure l'atelier du peintre, des montagnes aux falaises escarpées, l'encre écaillée par le scotch arraché, une impression ratée... Entre nature paisible et asphalte épuré.
Et parfois, quand le noir est brillant et que la lumière rebondit sur sa surface, on observe une forme mouvante. La notre. Comprendre l'artiste se révèle trop ambitieux, en revanche, en se déplaçant autour des œuvres, en comparant les points et les angles de vue, c'est nos propres émotions qu'on essaye de comprendre. Deuil ? Neige entachée ? Calme inquiétant ou apaisant? Régularité ou rupture violente entre deux couleurs, entre deux noirs, deux lumières ? Courbe ou ligne ? Fascination ou incompréhension ?
Noir. « Outrenoir. »

Mathilde

18 novembre 2012

Chanson de la semaine #27 par Silvio de Vision Jeune

A l'ombre du show business
Kery James & Charles Aznavour
2008


« La chanson française, à l'heure actuelle, a un avantage fantastique, c'est que les rappeurs et les slammeurs écrivent merveilleusement notre langue ». C'est ainsi que l'immense chanteur Charles Aznavour commence lorsqu’on lui demande de parler du tout aussi immense -même si moins connu- chanteur Kery James. Qu'est-ce qui aurait pu rapprocher le vieil homme blanc sarkozyste exilé en Suisse et le jeune immigré « de banlieue » révolté ? Tout d'abord l'amour de la langue de Molière, l'un et l'autre jouant avec les mots, les sons, les figures de styles. Mais aussi les débuts difficiles qu'ils ont tous les deux connus en tant que jeunes artistes, avant d'atteindre une certaine notoriété, chacun dans leur milieu. Enfin l’appartenance revendiquée à une communauté ou un peuple : le ghetto et les immigrés de France pour Kery James, les arméniens pour Charles Aznavour (il est l'ambassadeur d'Arménie à l'ONU). Un peuple qui a souffert pour le chanteur, une communauté qui souffre pour le rappeur.
Cette chanson, comme un appel au secours, permet de concilier deux styles, deux histoires, deux générations. Mais comme le dit Kery James : « Le rap transcende les différences, rassemble ». L'intervention courte de Charles Aznavour à la fin de la chanson, douce, avec ses mots « mon frère » répétés, dénote à la fois l'universalité de la musique, et réhabilite de par la réputation du vieil homme l'appartenance totale du rap à la musique. Un texte qui n'est pas là premièrement pour divertir, mais surtout pour passer un message, comme Aznavour l'a fait en son temps avec par exemple sa chanson « Comme ils disent », qui évoque l'homosexualité comme un fait naturel, dix ans avant que cette orientation soit dépénalisée en France. La force de la voix de Kery James donne des frissons, on est captivé, comme emporté dans la musique. Et il faut attendre bien longtemps après que les dernières notes du piano aient retentit pour pouvoir enclencher une autre chanson...

11 novembre 2012

Lion Clarks + Yatch, Limousine and Diamonds + Main Square + Freeds (+Apéro photo Les Culottes d'Hippolyte & 365 jours de Cléo Nikita)

Tout ça sur une péniche !

LA MARQUISE 10/11/12

« La crwème de la crwème ! »

Un petit verre pour bien commencer la soirée, un bref coup d’œil aux alentours et c'était déjà parti.
Les Lion Clarks commençaient. Sans voir ni la scène ni le groupe, on sent d'abord une belle énergie dans les arrangements, une sorte de violente timidité. Lion Clarks c'est un peu la candeur British de Luke Pritchard (The Kooks) avec un groupe plus pêchu, plus énervé. Plus rock aussi. Impression confirmée en se rapprochant de la scène, attitude timide mais pas statique avec une énergie brute. A retenir : une basse entraînante, des solos un peu partout... En bref une sympathique ouverture.

Il fallait aimer les envolées dans les aigus, les claviers un peu Vintage et l’effronterie pure et simple (on ne s'appelle pas Yatch, Limousine & Diamonds pour rien) pour apprécier le deuxième groupe de la soirée. Un brin de MGMT dans la voix, ou encore si on pousse à l'excès une légère impression de Fancy. Un peu abusif, je vous l'accorde.
Une petite préférence pour « On aime beaucoup la chanson suivante, c'est un vieux morceau ». Si vous recroisez les YLD au détour d'une scène vous reconnaîtrez peut être la chanson dont je parle.
Petite peur après les premières notes de 505 des Arctic Monkeys. Reprise très ambitieuse, assumée par le batteur qui se déplace vers le micro et le clavier le temps de deux chansons. Dur de faire mieux que l'originale même si l'ensemble tient la route, on perd une bonne dose de subtilité. La faute à qui ? Difficile à dire. Les YLD n'y sont pour rien, c'est Alex Turner qui place la barre trop haut.
Dommage que le groupe n'ait apparemment pas joué sur scène depuis un petit bout de temps, les enregistrements sont prometteurs.

Ils ont fait pété le pot d'échappement et tant mieux. Petit coup de cœur de la soirée pour Main Square. Une bonne piqûre d'adrénaline. La Marquise n'a pas coulé mais elle a bien tangué pendant un set presque trop court ! Ils ont l'air de bien s'éclater, ils ont le sourire et le partagent généreusement. Encore une basse enivrante, une batterie haut-perchée ; deux guitares efficaces. Définitivement shootés aux Arctic Monkeys, on retrouve aussi parfois des ambiances façon Razorlight, The Vaccines ou The Fratellis, exception faite que la voix a un je ne sais quoi différent de celui de Turner (encore lui) et Borrell. Un dynamisme monstrueux et une bonne dose de charisme qu'on espère revoir très vite à Lyon ou ailleurs.

Quant aux Freeds... Leurs nouvelles chansons. Leurs nouveaux arrangements. Encore une fois c'est l'unanimité.
« C'est toujours sympa d'aller voir les Freeds ! ». Et c'est vrai : on est assuré de passer une bonne soirée, l'organisation est impeccable et l'ambiance toujours agréable.
Il faisait très chaud sur scène et dans le public autour de 22h30 quand ils sont montés sur scène.
Et c'est avec plaisir qu'on voit peu à peu se renouveler le répertoire : le concert commence par deux nouvelles chansons à la hauteur des précédentes, toujours dansantes et enjouées.
On a déjà trop parlé des classiques ( Sex, Please don't go, African Revolution, For You (plus de maturité dans le nouvel arrangement, une progression visible et confiante) ou She's my baby now) et ce serait se répéter de dire qu'on aime toujours autant.
Petit clin d’œil pour Mélia, unique fille sur scène ce soir là, ça fait du bien un peu de féminité dans ce monde de mecs en sueur.

A la prochaine!
Mathilde

3 novembre 2012

The Wind - Chronique

Chronique d'un phénomène générationnel - The Wind

Petit détour par le sud en ce début d'hiver pour vous présenter un groupe niçois découvert grâce à Sabrine de Some are on the way, nouveau partenaire de Our Degeneration (→ GO!).

The Wind donc.

Entre Miles Kane et les Beatles période sixties pour le style vestimentaire, c'est le dandysme adolescent à son apogée. Vêtus de l'habit classique des bébés rockeurs (complet noir, chemise blanche, cravate ou nœud pap'...So British), le duo, cœur du groupe, offre un visuel très chic, très lisse.
Pas assez trash pour être complètement rock mais trop drogué aux Beatles pour n'être que pop, ils marchent en équilibre sur la frontière et s'en sortent plutôt pas mal. Le son est carré, vintage à point ; tout comme leur allure, tout est net et bien défini. Tout sauf la nationalité.

Le phénomène n'est plus très récent, si les BB Brunes assumaient le français (avec plus ou moins de talent), les années qui ont suivi ont vu naître toute une portée de groupe à double nationalité.
On peut les trouver un peu partout, il suffit de regarder autour de vous : le groupe du lycée, les habitués de la programmation du bar/concert du coin ; ils hantent les tremplins ou encore les films qui rendent rêveuses les préadolescentes que nous avons pu être.
Petit accent frenchy attendrissant sur un fond londonien, un swing qui hésite entre les contretemps bluesy et la mesure traditionnelle européenne. Et une voix d'un côté nonchalamment française et de l'autre essoufflée comme celle de Lennon sur Come Together.

Coup d’œil en arrière, finalement, les boys band parlent toujours de la même chose qu'il y a cinq ans, ou même qu'il y a cinquante : les filles, l'alcool et autres réjouissances de ce genre. Sauf qu'entre temps, c'est nous qui avons pris un coup de vieux et qui prenons un peu plus de recul.
Tout ça pour se rendre compte que l'effet est toujours le même, peu importe la distance qu'on prend : sans être un coup de cœur musical (peut être encore un peu de trop de fraîcheur), The Wind reste une découverte sympathique.

De leur premier EP (édition deluxe), on retiendra particulièrement Be What You Are dont les interprétations acoustiques donnent une sensation de légèreté très agréable. Mais aussi What really matters (plus moderne) et I used to (très Beatles), pleines d'images envoûtantes.

Leur dernier single Life still goes on, est une escapade réussie dans la langue de Baudelaire. Des complets parlés à la Etienne Daho apportent l'originalité qu'il manquait à l'EP, et pourtant le résultat donne plus dans l'esprit de The Virgins, éternels ados New Yorkais.
Double nationalité ou pas, on danse sûrement de la même façon, peu importe le pays, sur le son de The Wind.

Mathilde