18 novembre 2012

Chanson de la semaine #27 par Silvio de Vision Jeune

A l'ombre du show business
Kery James & Charles Aznavour
2008


« La chanson française, à l'heure actuelle, a un avantage fantastique, c'est que les rappeurs et les slammeurs écrivent merveilleusement notre langue ». C'est ainsi que l'immense chanteur Charles Aznavour commence lorsqu’on lui demande de parler du tout aussi immense -même si moins connu- chanteur Kery James. Qu'est-ce qui aurait pu rapprocher le vieil homme blanc sarkozyste exilé en Suisse et le jeune immigré « de banlieue » révolté ? Tout d'abord l'amour de la langue de Molière, l'un et l'autre jouant avec les mots, les sons, les figures de styles. Mais aussi les débuts difficiles qu'ils ont tous les deux connus en tant que jeunes artistes, avant d'atteindre une certaine notoriété, chacun dans leur milieu. Enfin l’appartenance revendiquée à une communauté ou un peuple : le ghetto et les immigrés de France pour Kery James, les arméniens pour Charles Aznavour (il est l'ambassadeur d'Arménie à l'ONU). Un peuple qui a souffert pour le chanteur, une communauté qui souffre pour le rappeur.
Cette chanson, comme un appel au secours, permet de concilier deux styles, deux histoires, deux générations. Mais comme le dit Kery James : « Le rap transcende les différences, rassemble ». L'intervention courte de Charles Aznavour à la fin de la chanson, douce, avec ses mots « mon frère » répétés, dénote à la fois l'universalité de la musique, et réhabilite de par la réputation du vieil homme l'appartenance totale du rap à la musique. Un texte qui n'est pas là premièrement pour divertir, mais surtout pour passer un message, comme Aznavour l'a fait en son temps avec par exemple sa chanson « Comme ils disent », qui évoque l'homosexualité comme un fait naturel, dix ans avant que cette orientation soit dépénalisée en France. La force de la voix de Kery James donne des frissons, on est captivé, comme emporté dans la musique. Et il faut attendre bien longtemps après que les dernières notes du piano aient retentit pour pouvoir enclencher une autre chanson...

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