8 avril 2013

Billie - Interview


« Je ne sais pas si on peut encore appeler ça une interview... »

Naturellement bavardes, il ne nous aura fallu que quelques minutes pour que l'on comprenne que l'entrevue allait se métamorphoser en une succession de digressions. On commence en douceur avec une version acoustique de La fille de Peter Pan.



Billie est une effrontée au sourire franc, une chanteuse naturelle. Sa voix rentre par une oreille, ne ressort pas par l'autre ; cristalline sans être enfantine, elle est conteuse d'histoires intergénérationnelles.
Sur scène elle est charmeuse, bombe sensuelle. On regretterait presque de ne pas avoir connu les années 80 d'où elle semble revenir avec ses cheveux fous ramenés en banane et ses synthés vintages.
En première partie de Babx jeudi dernier elle a littéralement envoûté la salle du Marché Gare, accompagnée par Théodora King au violoncelle et Teddy Elbaz aux claviers et aux machines : bel aperçu d'un album qui sortira en novembre prochain ! 
La profondeur du cello complète à merveille les boucles électroniques : « Je dis souvent que je fais de la chanson électrique, je suis obligée d'être « branchée » pendant les concerts. C'est un tout un peu bizarre, une sauce que j'ai eu en tête : je prends un violoncelle qui est un instrument classique, j'ajoute des synthés electros... et avec tout ça on va faire une espèce de chanson New Wave. C'est à la fois sombre et solaire, je suis moi même plutôt solaire, pas renfermée du tout. Mes textes ne sont pas spécialement tristes mais il y a ces accords un peu sombres, le violoncelle et puis des beats qui envoient !»
En mélangeant New Wave, chanson française, électro, Billie rappelle tour à tour Camille, Emilie Simon, Kate Bush, Blondie, Olivia Ruiz, Dionysos ou encore Babet, et ce sans jamais perdre sa singularité.
« J'ai commencé la musique quand j'ai vu Camille sur scène, l'album Le fil, grosse révélation, j'ai vu qu'on pouvait faire de la nouveauté avec de la chanson française. Celle ci a souvent une étiquette peu flatteuse. Camille a une écriture très légère, très ludique, moi ça me parle. »
Outre toutes ces chanteuses ou groupes, Billie aime aussi Taxi Girl, Elliet Jacno, les Cure... « J'aime beaucoup Bowie et Depeche Mode aussi. D'ailleurs ça fait plaisir qu'ils ressortent des albums, le dernier clipde David Bowie est vraiment beau et Depeche Mode c'est toujours aussi classe... Je n'attends plus que les Cure sortent un album ! »
Mais la véritable source d'inspiration de cette chanteuse lyonnaise, ce sont les contes, la mythologie, les histoires magiques en tout genre : « Les contes de Grimm, de Perrault, ça parle aux gens, ce sont des images que toutes les générations ont vu, La fille de Peter Pan, ça fonctionne avec les enfants et aussi avec la génération de mes parents. 
Sangtimentale c'est l'histoire d'une vampire amoureuse qui ne peut peut pas vivre sa passion au grand jour.
J'ai été influencée par Tim Burton pendant très longtemps tout comme Mathias Malzieu le chanteur de Dionysos que j'ai rencontré il y a peu ! Quand j'étais morte c'est l'histoire d'une jeune fille qui trouve que sa vie quand elle était morte était vachement plus simple que sa vie de vivante, ça rappelle des univers comme celui de BeetlejuicePour La fille de Peter Pan j'avais relu le livre, il est beaucoup plus glauque que le Walt Disney : les enfants dans les jardins de Kensington sont très flippés parce que les fées sont des espèces d'horreurs qui tuent les enfants, pas comme la fée clochette. Peter Pan est vraiment déprimé comme gamin, il ne veut vraiment pas grandir, c'est pas une petite blagounette. C'est cet univers terrifiant que j'aimais bien, ce serait intéressant de voir Tim Burton faire un Peter Pan. Moi je l'ai féminisé, c'est une voleuse, je l'ai mélangé avec Arsène lupin et CatWoman. »





Billie créé son histoire ; au fil du concert elle prend différentes formes ; sirène, voleuse, vampire et beaucoup d'autres encore. Elle tisse la toile d'un univers nocturne féerique, fantasmagorique (surtout sur des chansons comme Marilyn). 
« La nuit revient souvent dans mes chansons, dans les contes c'est le moment pendant lequel les choses secrètes se passent. On m'a aussi dit que j'étais romantique, donc je dois parler pas mal d'amour. 

J'essaye que les chansons parlent d'elles même aux gens, j'essaye d'être un vecteur. Avant j'étais très présente, très énergique maintenant je suis plus calme. J'étais traqueuse, je me suis posée. L'album que je fais est très aérien, j'essaye donc de garder mon énergie et mon côté mutin tout en étant une conteuse d'histoire. J'essaye d'en écrire une grande sur tout mon concert, je pars d'un point et je ne finis pas la scène dans le même état d'esprit. »


Chaque chanson est un chapitre, le morceau d'un film. Au Marché Gare la magie opère. Les lumières entoure le trio d'un halo bleuté. "J'ai l'âme bleue, d'un blues en mi", "J'ai l'âme bleue, bleue des galères, sirène de toutes les misères" dit elle dans la chanson presque éponyme L'âme bleue. Bluffante.

Cette couleur on la retrouve également lorsqu'on parle cinéma, quand Billie évoque les films qu'elle aime. La nuit du chasseur de Charles Laughton « De très belles images de nuit, de la fuite des enfants dans leur barque, avec les étoiles, les animaux, et le faux pasteur en ombre chinoise sur les collines derrières. » ; Mulholand Drive de David Lynch « Pour les décors et les couleurs » ou encore Drive de Nicolas Winding Refn, film bleu par excellence.

Les textes de la demoiselle vont droit au cerveau, on en prend plein les yeux !
« J'aime que les gens comprennent tout de suite ce que je raconte. La langue française peut être dansante, elle peut ne pas être chiante. Les Rita Mitsouko par exemple, les textes sont parfois profonds et pourtant tu peux danser toute une soirée dessus. En français, tu vois l'image tout de suite, il y a une certaine immédiateté, après peut être que si j'avais été meilleure en anglais au collège et au lycée, je verrais l'immédiateté dans l'image des autres en anglais (rires). »
La démarche est différente, l'anglais se prête mieux à la répétition, au minimal...
« Après on est toujours étonné : Gainsbourg a beaucoup répété de mots et ça marchait. La chanson Aux enfants de la chance par exemple...Gainsbourg, il est pas mal dans le genre! »
Heureusement que tout le monde n'est pas Gainsbourg en même temps...
« (soupir) Alala j'aimerais quand même bien être Gainsbourg, ça m'irait bien comme boulot... Après, c'est mieux de trouver son propre chemin. Le jour où on te dit « Ah, ça, je l'ai entendu nulle part », tu te dis « ah c'est bon, j'ai trouvé ma voie !»

L'album quant à lui est presque prêt. Ne manque plus qu'un duo à enregistrer et quelques détails à fignoler (la pochette par exemple). Pour ce qui est du label...« Je suis libre comme l'air, j'ai fait mon disque, je l'aime, je n'ai pas très envie de le changer, si le label le prend tant mieux sinon je fais sans, j'ai pleins de cordes à mon arc. Mais si il y a des gens motivés pour travailler dessus, pas de problème! »
Pour patienter jusqu'à novembre, Billie nous offrira d'ici l'été le clip de Dehors « Une chanson sur les sans papiers qui me tient très à cœur. Je l'ai écrite il y a longtemps et elle est hélas toujours d'actualité. J'ai contacté le studio qui a réalisé le clip de Prohom, Je voudrais que..., hyper glauque mais magnifique, en le voyant tu te dis Wow c'est triste mais vraiment très beau ! »


Les questions traditionnelles Our Degeneration

La dernière chanson que tu as écoutée ?
Pull Marine d'Isabelle Adjani (écrite par Gainsbourg)  qu'on a bossé en reprise cette après midi !

Le dernier album que tu as acheté ou téléchargé (illégalement...ou pas) ?
Téléchargé légalement : Lescop

Le dernier film que tu as vu ?

Le dernier livre que tu as lu ?
Soufi, mon amour d'Elif Shafak. Un livre magnifique, une jeune écrivain turque, un recueil de philosophie sur la vie.

La dernière série que tu as vue ?
Walking Dead, Two sons of anarchy m'a éclaté, j'attends la suite de Games of throne, j'ai été longtemps une fan de six feet under... C'est ma préférée.

Ton meilleur souvenir de concert quand tu étais dans le public ?
Dernièrement j'ai vu un concert à la télé, sur arte, David Bowie, monstrueux, rien que l'intro c'était d'une beauté... La grande classe même dans mon salon devant ma télé !

Ton meilleur souvenir de concert quand tu étais sur scène un de tes concerts ?
Je raconte souvent les Transmusicales de Rennes, c'était complètement n'importe quoi, on avait la pression. La veille mal de gorge, je sens que j'ai un début d'angine. Je prends le train le lendemain matin et plus la journée avance plus je perds ma voix, ça va pas du tout.. Le stress commence à monter. Et puis Théo(dora), je sais pas ce qu'elle fout pendant les balances, elle laisse tomber son violoncelle par terre. Elle l'explose... « Ok il est 19h, on joue dans deux heures, j'ai plus de voix, on a pas de violoncelle. On fait quoi ?! ». On cherche un luthier dans tout rennes, on trouve un luthier qui nous trouve un violoncelle. On tremble comme ça (geste)...Le club où on joue est blindé, surblindé, on était tellement dans une énergie...on avait tellement peur, on savait tellement pas ou on allait, qu'on a fait une espèce de concert monstrueux, super rock and roll, tout à l'envie, hyper motivées ! Je braillais tout ce que je pouvais pour essayer de sortir des sons de voix, Théodora essayait de se débrouiller avec un violoncelle qui n'était pas le sien, au final on a fait un super bon concert. C'est la journée qui démarre mal, tu te dis que tu vas jamais y arriver et au final tu fais un truc super bien ! Comme quoi faut pas se décourager, même avec une voix pétée et un violoncelle cassé on peut faire un concert, tout est possible dans la vie !


Mathilde

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