21 mai 2013

Festival Changez d'Air – Interview du programmateur Francis Richert aussi responsable des Musiques Actuelles du Conservatoire de Lyon + BONUS

Changez d'air : 23, 24 et 25 mai2013 !
L'Escale, 21 avenue de la Libération à Saint Genis les Ollières


Francis Richert est programmateur à Changez d'air, responsable du département Musiques Actuelles amplifiées au Conservatoire de Lyon, intervenant scénique pour les découvertes du Printemps de Bourges (région Rhône-Alpes), musicien professionnel et... La liste serait longue si on devait la terminer.
Autant vous dire qu'on avait beaucoup de questions à lui poser.

Partie 1  : CHANGEZ D'AIR

                           

L'année dernière Our Degeneration avait assisté à la soirée Fake Oddity + Frederic Bobin + Alex Beaupain (article live report ici). L'ambiance et le public éclectique nous avait charmées. Cette année on y retourne, mais cette fois-ci, on fait les choses bien :

Petite histoire du festival : des opportunités, une belle prise de risque et une motivation infaillible:
Francis : Je travaillais dans la commune de St Genis les Ollières : j'étais musicien intervenant avec les enfants. La mairie m'a demandé d'organiser un événement. La première année, j'ai fait un événement  jeune public. La deuxième année l'adjoint aux ressources humaines m'a demandé d'en refaire un "pour les jeunes".
Je n'étais pas encore musicien professionnel à l'époque, c'était il y a 13ans. J'ai organisé ce festival de manière professionnelle. J'avais 25ans... Tu n'as pas du tout la même motivation à cet âge là qu'à 40ans, l’énergie et l'envie nécessaires, le courage pour déplacer des montagnes et la folie pour le faire. Une spontanéité et une naïveté essentielle pour prendre des risques.
Du coup la première année on a eu une belle programmation : Sanseverino et Les Trapettistes, la salle étant pleine, les élus de la commune ont vu l'importance que pouvait représenter un tel événement en une seule édition, ils ont relancé l'année d'après. On a programmé Renan Luce et Prohom (qui travaille aujourd’hui aussi en tant qu’intervenant scène pour les découvertes Printemps de Bourges Rhône-Alpes avec moi).
Au début, on avait peu de budget mais comme le festival a plutôt très bien marché et que les St Genois se sont impliqués dans le projet, ça a fonctionné. Je travaillais avec les enfants donc j'avais déjà un lien avec les parents, on a vite eu du public et on a très vite fidélisé ce public. La mairie m'a ensuite proposé de devenir chargé de mission, je n'étais plus intervenant mais j'ai continué le festival.
Le public a été surpris de voir que les artistes programmés au festival avait par la suite une médiatisation assez conséquente. Chaque année, nous avons réussi à programmer des artistes qui, par la suite étaient relayés par la presse et ont rencontré un succès national (Sansévérino, Renan Luce, Prohom, Brigitte, Rover, Alex Beaupain etc.)
C'est tout l'enjeu pour un programmateur d'un petit lieu : tu es obligé de trouver les artistes avant que leur réputation explose.
Il faut aussi qu'ils aient une actualité ou alors qu'ils soient en tournée. Et ça, avec les soucis qu'il y a dans l'industrie du disque, c'est de plus en plus rare. Actualité, ça veut aussi dire avoir un suivi médiatique suffisant pour qu'en plus des fidèles, il y ait un public qui suit l'artiste. La complexité de remplir une salle de 350 places même à 10 minutes de Lyon, je la ressens chaque année !

Bertrand Belin - Samedi 25 mai - Changez d'Air
Les arcanes de la profession :

Sur un événement ponctuel, il faut penser la programmation assez vite car les options de concert dans les salles lyonnaises se prennent rapidement. Quand tu prévois à long terme, tu prends des risques alors il faut suivre l’actualité mais aussi parier sur le futur succès d'un groupe. La programmation c'est tout le temps, parfois on commence déjà à se demander ce qu'un artiste donnera un ou deux ans avant de le programmer à Changez d'Air. Bertrand Belin par exemple, ça fait dix ans que nous voulons le programmer. [ndlr : Ce dernier sera également en première partie de Nick Cave aux Nuits de Fourvière. Tout comme Théodore, Paul & Gabriel seront en première partie de Claire Diterzi et de Barabara Carlotti] On est en très bon termes avec les Nuits de Fourvière et chaque année ils lèvent l'exclusivité pour qu'un artiste en première partie la bas soit l'une de nos têtes d'affiches.
La difficulté du festival, c'est qu''il n'est pas à Lyon même : c'est difficile pour un producteur de prendre le risque de faire une date en périphérie. C'est le business, mais c'est dommage de parfois être dans des prérogatives d'argent et pas artistiques.

Théodore, Paul & Gabriel - Vendredi 24 mai - Changez d'air
Après, je suis musicien professionnel et je tourne donc je croise pleins de groupes sur ma route. Au delà des qualités artistiques, j'essaye de voir les qualités scéniques, des artistes qui savent communiquer avec le public et mettre une ambiance particulière, c'est ça qu'on recherche ! Comme on connaît les groupes ET le public, c'est plus facile de choisir.
Notre projet culturel consiste à coller à la volonté du public, à celle des élus et aux exigences du lieu. On ne peut pas faire un concert de dub à St Genis, par contre de la chanson française, on peut, le festival est ancré dans ce style. Ça ne veut pas dire qu'on reste constamment dans ce style là, la preuve, depuis quatre ou cinq ans on s'est ouvert sur d'autres esthétiques parce qu'on a réussi à fidéliser notre public !

La programmation 2013, une cohérence surprenante...mais charmante !

Mermonte - Jeudi 23 mai
Le mot de Our Degeneration : Neuf groupes, neuf univers différents et pourtant on retrouve les mêmes ingrédients dans la programmation de cette année (éclectisme, cohérence et curiosité) que dans celle de l'année dernière qui nous avait enchantées.
Pop, chanson, folk, rock et même rap : le menu est alléchant. On ne sait que vous conseiller puisqu'on a nous même envie de tout goûter !


Tachka - Jeudi 23 mai
La soirée du jeudi commencera avec la douce folk de Tachka, jeune lyonnaise d'origine danoise à la voix sucrée. La pop grandiloquente de Mermonte (dix musiciens sur scène) fera la transition entre l'anglais de Tachka et le français de Karimouche. En effet, le groupe rennais est bilingue. On finira joyeusement la soirée avec la pétillante Karimouche et ses folles histoires. La musique oscillera entre le hip hop, la chanson française classique, le slam, le jazz et le rap...

Erwan Pinard - Vendredi 24 mai
Le vendredi, deux énergumènes de la chanson française/lyonnaise ouvriront le bal : Fred Radix, puis Erwan Pinard. Leurs textes sont décalés, drôles et touchants. Suivront les trois jeunes filles de Théodore  Paul & Gabriel qu'on ne présente plus mais qu'on aime comme au premier jour de la sortie de leur album !

Le samedi soir est définitivement un tout. Trois artistes interchangeables mais indispensables !
Yann Destal - Samedi 25 mai
Denis Rivet revient des Inouïs du Printemps de Bourges avec ses chansons singulières qui parlent de lui, de nous, de vous. Yann Destal sera plus pop, avec sa voix enchanteresse et ses arrangements plus électriques. Pour terminer en beauté, un dandy parisien : Bertrand Belin et sa voix plus vieille que lui. Sa poésie mélancolique rappelle un artiste de l'édition 2012 : Alex Beaupain.
On espère donc, à vrai dire on n'en doute pas, que le résultat sera aussi marquant que celui de l'année 2012.


Karimouche - Jeudi 23 mai
Francis : On a choisi des artistes en voulant faire des plateaux cohérents. Mais il y a aussi le problème de la disponibilité des artistes. Karimouche joue a Paris le vendredi, on tenait à la programmer, on a tenu bon, du coup on a basculé Théodore, Paul & Gabriel le vendredi. Le plateau n'était plus celui prévu au départ mais la programmation reste cohérente sur les trois jours, pour l'ensemble du festival. Le public suit, il comprend qu'il y a une logique ! La programmation se fait par coup de cœur mais on doit aussi prendre en compte des facteurs liés au possibilités des artistes.
Fred Radix - Vendredi 24 mai


Pour 2013 on avait pensé à beaucoup d'artistes : Bertrand Belin, Mathieu Boogaerts, Denis Rivet, FAUVE, Mermonte, Marie Pierre Arthur, Karimouche, St Vincent, Théodore, Paul & Gabriel, Fred Radix, Erwan Pinard, Tachka, Yann Destal.
Certains seront sur la scène du festival cette année, d'autres le seront ailleurs. C'est le jeu de la programmation d'un événement ponctuel et en périphérie.






Our Degeneration et les MusiquesActuelles du Conservatoire de Lyon, c'est une longue histoire. Elle commence avec la première interview du blog : Dark Matter, elle continue avec les JÜNE, Nina Fleury et Jesse K mais aussi avec les Freeds.

Francis : Ça fait dix ans que je suis responsable du département musiques actuelles amplifiées / chanson. Ça correspond tout simplement au rock et à la chanson en passant par l'electro...
C'est sous forme d’accompagnement de projets artistiques. Un projet artistique c'est un groupe ou une personne qui écrit ses propres chansons et qui veut en faire quelque chose : les défendre sur scène ou sur disque. Notre travail consiste à les aider à mettre en forme leur projet, au niveau artistique (musicale, écriture) et stratégique (faire connaître le projet). On propose des répétitions accompagnées, au moins une résidence par an, du studio (un ou deux titres enregistrés dans l'année), des concerts (quatre ou cinq par an dans des lieux partenaires) et des rencontres avec des professionnels.
La mission principale du conservatoire c'est aussi d'enseigner la technique et la théorie de la musique, alors en plus du projet artistique qui est le cœur de notre métier, on forme les groupes aux techniques instrumentales et à la MAO.
La difficulté est de faire rentrer ces schémas de travail dans l'institution du conservatoire, non pas à l'échelle locale (Lyon), mais au niveau institutionnel national. La complexité est de faire comprendre qu'on n'est plus dans un schéma classique de répertoire mais sur un schéma d’accompagnement et de compréhension des logiques qui constituent celles des musiques actuelles.
Ceux qui ont le plus de mal à accepter l'évolution, ce sont les groupes qui ne frappent pas spontanément à notre porte, ils y frappent parce que ceux qui constituent l'équipe, c'est à dire Julien, Jérôme et Gilles...et moi, nous sommes très identifiés dans le réseau musiques actuelles. Comme nous sommes issus de ce milieu nous avons une crédibilité et une légitimité qui fait que les groupes viennent, ce qui n'est pas le cas dans d'autres conservatoires.

Bonus : PRINTEMPS DE BOURGES – TOURNÉES - DÉCOUVERTES

Denis rivet - Samedi 25 mai - Changez d'Air

Francis : Je suis aussi intervenant scène à Tagada Tsoin Tsoin , l'antenne Rhône-Alpes du Printemps de Bourges et pour les artistes qui me le demandent. Pour le travail avec un artiste, c'est souvent sous forme de résidence de quelques jours dans une salle de spectacle où l'on travaille le son, l'aspect scénique, les arrangements, l'interprétation, bref, être artiste c'est un métier.
Sinon je suis musicien professionnel depuis cinq ans et je travaille avec les artistes qui m'appellent. J'ai collaboré avec Carmen Maria Vega, Buridane, Mauss, Ronan Siri ou encore Johnny Maalouf...



Les questions traditionnelles Our Degeneration

La dernière chanson que tu as écoutée ?
Hotel California des Eagles en acoustique.

Le dernier album que tu as acheté ou téléchargé (illégalement ou pas) ?
Je n'achète plus d'album depuis longtemps...
En revenant de Bourges j'ai beaucoup écouté Wolves and Moons et Darko.
En ce moment j'écoute Bertrand Belin et Denis Rivet en boucle, d'abord pour des raisons professionnelles : je travaille avec Denis, mais pas uniquement, c'est aussi par plaisir : en week end, en partant avec mes filles il y avait Denis Rivet dans la voiture.
Sinon j'aime toujours autant Blond Redhead et... Radiohead, c'est récurrent

Le dernier film que tu as vu ?
Amour de Mickael Haneke, ça parle de la vieillesse, de l'amour inconditionnel. Je ne sais plus qui dit « Le seul amour qui est gratuit c'est celui qu'on donne à ses enfants ». Dans Amour, Trintignant fait la même chose avec sa femme, c'est un amour tellement gratuit qu'il la conduit à la mort. Par contre c'est lent, mou et un peu trop intellectuel à mon goût mais la démonstration qu'Haneke fait est magnifique.
Sinon j'ai vu Les Croods avec mes filles !

Le dernier livre que tu as lu ?
Jim Harrison, Une Odyssée Américaine. C'est génial mais c'est pareil qu'Amour, c'est une éloge de la lenteur. Il faut prendre le temps de vivre et ne pas courir après le temps. Un paysan se fait quitter par sa femme à 60ans, il vend sa ferme et avec l'argent il traverse l’Amérique en visitant des gens qu'il connaît. Il profite de la vie sans qu'elle soit une vie rapide à la Jim Morrison ou à la Hendrix qui se détruisent en trente ans, c'est le contraire des musiques actuelles, le personnage sait qu'il lui reste vingt ans à vivre et on sent qu'il veut en profiter jusqu'au bout et prendre le temps de savourer chaque instant.

Ton meilleur souvenir de concert quand tu étais dans le public ?
Le meilleur concert que j'ai vu...c'était une place offerte. La chance qu'on a en étant dans le milieu de la musique, c'est qu'on ne paye plus, ou très rarement : ça m'arrive dans des touts petits lieux parce que j'ai envie de faire vivre l'artiste ou dans pour des grosses production pour lesquelles je n'ai pas d'invitations.
C'était Chris Isaac à la salle trois mille, pour la fête des pères. La mère de mes filles me l'a offert,
je suis arrivé en pensant que ça allait être un show à l'américaine...Premier titre show à l'américaine, deuxième show à l'américaine, troisième titre...BIM : il a retourné la salle, il joue avec un côté kitsch mais il a une superbe autodérision, Elvis le faisait très bien, avec son costume à paillettes.
En plus de ça il y a du fond : ses titres c'est toute une génération, il a amené quelque chose à la musique et vingt ans après il garde cette fraîcheur parce qu'il a une autodérision monstrueuse. C'était un des meilleurs concerts de ma vie, parce que c'était lié à un contexte !
J'ai vu The Hives, il y a trois-quatre mois au Transbordeur, c'était la folie, il fallait absolument aller voir The Hives,. Donc j'ai été voir The Hives. Alors ils communiquent avec le public mais c'est tellement un show huilé et calibré pour que ça marche partout dans le monde, peu importe la culture du lieu... Il n'y a pas d'émotions, ça ne me touche pas, c'est juste de l'énergie. Si t'as bu une dizaine de bière et que tu es bien chaud, tu vas aller t'éclater dans la fosse et c'est super.
Les groupes qui font moins attention au business et qui sont plus dans l'artistique ça se sent directement. Un groupe qui a dévié parce que la machine s'emballe et parce qu'on y voit un potentiel international, ça ne touche pas. Il y en a qui le font avec plus de spontanéité et de naïveté, mais c'est moins médiatisé, il se passe quelque chose. Les majors signent pour du buzz...La durée de vie d'un artiste maintenant c'est trois ou quatre ans, sauf exception : des majors signent parfois sur une carrière, mais de moins en moins.

Mathilde

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